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qui hante la cavalerie indépendante ne saurait rester caché à la cavalerie de corps ; pas plus le but poursuivi par cette dernière ne peut demeurer, pour la première, lettre morte… sinon l’une ou l’autre font fausse route, ou bien les deux sont incomplètement préparées. La solution juste ressortira de l’analyse de la question.

Un système d’éducation fortement pensé, fermement suivi, doit être objectif et non subjectif. Il doit procéder d’une notion claire de la guerre et ne pas tendre à lui imposer une formule préconçue. Ces conditions sont, en théorie, acceptées ; en fait, sont-elles remplies ?

La cavalerie couvre, découvre, combat. Les services d’exploration et de sûreté sont les préliminaires, le combat est la conclusion ; ils sont permanens, continus, il est intermittent et bref ; ils réclament des efforts disséminés et quasi-individuels, il exige l’emploi de toutes les forces réunies, l’action d’ensemble. Toute l’éducation de la cavalerie repose sur ces deux manifestations distinctes. Elle doit former à la fois un éclaireur et un combattant ; un homme isolé qui apportera son intelligence dans l’exploration, un homme du rang qui apportera son sabre dans la mêlée.

Ce n’est pas tout d’un coup qu’on a distinctement entrevu cette double physionomie du cavalier.

Au lendemain de 1870, une erreur, lentement dissipée, lança la cavalerie entière dans la voie unique du service en campagne. Son activité naissante ne s’étendait pas au-delà de ce cercle restreint. Elle s’épuisait en la répétition d’une pièce jamais complètement jouée, en la recherche d’un problème irréductible ; il manquait la vraie solution : le combat.

L’impression soudaine ressentie après la défaite n’avait d’ailleurs pas permis encore de procéder à une expérience calme et réfléchie. D’instinct on s’était mis à la besogne la plus pressante, mais on s’y était enlizé. Et comme l’emploi tactique de la cavalerie n’était pas formulé, pour tirer parti des masses ainsi réunies, on s’ingéniait à les distribuer en des dispositifs compliqués, capables d’assurer à la fois la clairvoyance et l’impénétrabilité, sans prévoir que l’arrangement entier était à la merci d’une concentration puissante, d’une offensive vigoureuse et prompte. Trois règlemens successifs[1] préconisèrent à tour de rôle ces dispositifs réputés infaillibles, et cependant différens. La recherche exagérée de la formule aboutissait à l’aveu de son impuissance. Il devint

  1. Instruction pratique de 1875 sur le service de la cavalerie en campagne. — Instruction de 1876 sur le service de la cavalerie éclairant une armée. — Instruction provisoire de 1877 sur le service des marches.