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protection immédiate des armées, on a conclu qu’elle devait être, en paix, constituée en partie double.

On l’a donc divisée en deux portions à peu près égales : en fortes masses capables de lutter avec la cavalerie adverse ; en groupes relativement faibles, destinés à couvrir, à éclairer, à relier les colonnes. De la sorte, nous avons aujourd’hui deux cavaleries distinctes : les divisions indépendantes et les brigades des corps d’armée.

Pourtant, quand nous avons étudié la participation de cette arme à la guerre, sous cette dualité apparente, l’unité de son rôle et de son emploi nous est clairement apparue. Nous avons vu qu’il ne serait pas trop, aux débuts, de toutes ses forces, pour prendre part à ce terrible prélude d’où doivent jaillir les premiers élémens de supériorité tactique et morale : la lumière et la foi ; qu’ensuite, il faudrait encore grouper la cavalerie en masses variables, mais puissantes, pour qu’elle puisse concourir efficacement à la marche, à la collision des armées. Dans cette répartition, on ne pourra prendre pour guide un barème théorique ; on devra se fonder sur une conception clairvoyante des opérations.

L’exemple des guerres napoléoniennes est, sous ce rapport, instructif. La cavalerie était bien divisée en deux parts : l’une, la principale, était massée en Réserves ou en Corps spéciaux ; l’autre était répartie entre les différens corps de la grande armée. Mais cette organisation n’avait rien de fixe ni d’immuable ; elle variait avec les circonstances de guerre. Elle ne procédait pas d’une proportion rigide, elle découlait naturellement des nécessités de la campagne. Ainsi, en 1809, certains corps d’armée, le 7e et le 9e, disposent de cinq régimens de cavalerie ; d’autres, le 2e et le 4e, ont seulement deux ou trois escadrons[1].

La guerre moderne exige une application plus large et plus souple du même principe. Dans la mise en jeu considérable des effectifs actuels, les différentes unités de combat ont perdu leur ancienne valeur. Ce n’est plus entre des corps d’armée, mais entre des armées que doit s’opérer la répartition.

Aussi, quand on se demande à quelle éventualité de guerre correspond notre organisation des brigades de corps, la réponse échappe. Nulle part, ni dans la concentration, ni dans la marche d’approche, ni dans la bataille, on ne peut prévoir leur fonctionnement ou leur emploi. Jamais un chef d’armée ne se privera du concours de sa cavalerie pour la laisser, disséminée par groupes impuissans, à la disposition de ses commandans de corps. Quelle que soit leur répugnance à se séparer de leurs brigades, ces

  1. Situation de la grande armée au 1er juillet.