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hollandaise, sortant de son inaction, faisait mine de rassembler toutes les troupes sous ses ordres pour venir au secours de la place assiégée. Des dispositions avaient même dû être prises pour aller au-devant du prince et lui livrer bataille s’il se présentait. La position (Maurice en convient lui-même) n’eût pas été commode si on avait dû soutenir le combat en ayant à des les 15,000 hommes de la garnison, qui n’auraient pas manqué de sortir au même moment. Mais Waldeck fut, suivant son habitude (Maurice y avait compté sans doute), assez lent à se mouvoir, et, en attendant, il paraît que le tableau des suites d’une prise d’assaut, et la crainte de voir les fourmis leur monter aux jambes, firent, sur le gouverneur et les officiers, toute l’impression désirable : car le 20 février, dès que, l’attaque ayant été dirigée contre l’ouvrage à cornes, qui passait pour le plus fort, des grenadiers français se furent montrés sur le haut de la brèche, le drapeau blanc fut arboré, et des parlementaires vinrent discuter les conditions de la capitulation. Ils essayèrent bien encore d’obtenir quelques ménagemens en alléguant que la ville n’était pas réduite à la dernière extrémité et que des secours pouvaient arriver : « Ah ! vous avez raison, dit Maurice, il n’y a que des gens sans cœur qui se rendent quand ils attendent du secours : rentrez donc et défendez-vous. » Le défi ne fut pas relevé : toute la garnison dut se rendre à discrétion, et tout ce qu’elle put obtenir fut que ses armes seraient déposées en magasin pour être rendues à la paix. Et encore, en accordant cette condition, Maurice savait-il bien ce qu’il faisait, car comme on lui faisait observer quelques jours après que la garnison captive, n’étant pas suffisamment surveillée, pourrait peut-être échapper : « N’ayez pas d’inquiétude, dit-il, les armes du soldat hollandais lui appartiennent ; en s’en allant, il nous donnerait droit de les garder, et ne s’exposera pas à les perdre. »

Le siège avait duré trois semaines et ne coûtait pas à l’armée française plus de neuf cents hommes. Le succès matériel était grand : l’effet moral, plus grand encore, fut relevé par la modération que le vainqueur mit dans l’usage de son triomphe. Bruxelles, lieu de réunion de tous les chefs des armées alliées pendant la campagne précédente, regorgeait de richesses qui, étant le bien de l’ennemi, auraient pu être considérées comme de bonne prise. Le duc de Cumberland et le prince Charles de Lorraine y avaient laissé tous leurs équipages. Maurice leur fit restituer le tout sans rien garder : tous les officiers généraux autrichiens reçurent des passeports, et Kaunitz, en se retirant, put emmener les employés civils qu’il désigna. Le seul qui fut menacé un moment d’être retenu était un gazetier de Hollande qu’on avait fait venir, tout exprès,