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Rossano, Cortazzo, Marchetti, Spiridon, Detti, paysagistes, anecdotiers ou costumiers, ayant tous de la main, quelques-uns de la finesse, mais tous archifrancisés. M. Boldini, qui n’a plus rien de l’âpreté chaude des vieux Ferrarais, ses compatriotes, est, il est vrai, un de nos modernistes les plus subtils et, au besoin, les plus excentriques, si l’on en juge par l’excessive gracilité et les contorsions javanaises des baguettes gantées qu’il donne à ses jeunes dames en guise de bras et de mains. Nonobstant ces bizarreries, M. Boldini est un physionomiste des plus incisifs et un harmoniste des plus délicats, avec des prestesses d’exécution tout à fait imprévues et raffinées. Son Portrait de Verdi au pastel, représentant l’illustre compositeur, un chapeau noir, de haute forme, sur la tête, un cache-nez autour du cou, n’a rien sans doute de lyrique, ni d’héroïque ; mais c’est une pochade joyeuse, vivante, familière ; on y peut lire la bienveillance et la bonhomie, sinon la force passionnée de l’auteur du Trovatore et de la Traviata. C’est un art amusant, ce n’est point un art créateur. Heureusement, à Rome, à Florence, à Milan, on semble se préoccuper d’aller plus loin dans la voie de la vérité.

Les Romains manqueraient à toutes leurs traditions, s’ils n’avaient de hautes ambitions. Ils ont envoyé d’immenses toiles, l’Ave Maria pendant la moisson, au moment d’un orage, dans la campagne romaine, par M. Corelli, les Enfans de Caïn par M. Sartorio, l’Alexandre à Persépolis par M. Simoni. La force et l’effort sont visibles dans ces compositions. On ne saurait refuser à M. Corelli de la franchise et de la fermeté dans les attitudes de ses figures, à M. Sartorio un sentiment grandiose dans les contorsions héroïques de ses nudités musculeuses, à M. Simoni, moins personnel que les premiers, de l’habileté dans la mise en scène ; mais ces trois œuvres sont gâtées par une lourdeur pénible de facture, une certaine opacité triste et sale, et parfois une trivialité prétentieuse, qui montrent combien ces habiles praticiens ont besoin de se mettre au vert et de se nettoyer les yeux par des promenades en plein air et devant les fresquistes du XIVe et du XVe siècle ! M. Milanolono, imitateur de M. Cormon dans son Sacrifice préhistorique, a plus de clarté et moins de caractère. L’œuvre la plus remarquable de la section romaine est une série de dessins par M. Maccari, représentant trois épisodes de la vie parlementaire dans la Rome antique. Nous ne connaissons pas les peintures que M. Maccari a exécutées, d’après ces dessins, dans les salles du sénat à Rome ; si nous en jugeons par la fermeté et l’habileté de ces crayons, ce doivent être des œuvres supérieures. On y voit le principe scientifique et naturaliste appliqué à l’histoire romaine par un Romain, comme M. Jean-Paul Laurens l’applique à l’histoire de France. Chaque composition,