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Meulen. Les toiles des trois derniers sont habitées par des animaux d’apparence douce et d’humeur pacifique.

À mesure qu’on avance vers le nord, on se trouve en face d’artistes de moins en moins soumis aux habitudes de l’enseignement classique, regardant les gens et les choses d’un œil plus candide et plus hardi, et s’acharnant, avec plus de témérité, dans leurs solitudes, loin du public et de la critique, à l’étude de ces complications du clair-obscur. Le Danemark possède en M. Kröyer un artiste qui, presque du premier coup, a atteint, dans cet ordre d’idées, des résultats qu’on ne pourra guère dépasser. Le Départ des pêcheurs et les Pêcheurs sur la plage avaient déjà paru au Salon ; mais ces peintures, aérées et lumineuses, d’une transparence incomparable, gagnent singulièrement à se trouver dans un milieu plus homogène, au moins pour la naïveté de la recherche et la simplicité de l’expression, car si M. Kröyer rencontre actuellement des rivaux pour l’entente du plein air et de la sérénité atmosphérique, c’est en Suède et en Norvège bien plus que dans son propre pays. Les peintres danois vivent surtout dans leurs intérieurs ; ils ont beaucoup d’enfans, ils les aiment bien, ils les connaissent bien ; leur section abonde en repas, conversations et discussions de famille, surtout en scènes amusantes ou touchantes de la comédie enfantine. Le Grand nettoyage et Après dîner par M. Johansen, le Concert d’enfans par M. Haslund, la Parade par M. Hennigsen, Chez le curé par M. Seligmann, sont de bons spécimens de cet art honnête et bourgeois, dont le fonds est peu de chose, mais qui est relevé assez souvent par une ingénieuse analyse des reflets et des ombres sur les figures, jouant au milieu d’un mobilier compliqué, et par l’agrément d’une touche habile et expressive. Quelques beaux portraits d’une exécution ressentie et libre par MM. Hammershöj, Jerndoff et Mlle Vegmann, les études populaires de MM. Tuxen, l’auteur de la Rentrée des pêcheurs au crépuscule, Michel Ancher, Irminger, les Chevaux de labour de M. Otto Bache, l’Attelage des bœufs, de M. Mols, les marines de MM. Niss et Locher, les paysages de M. Pedersen, prouvent que l’école danoise est aussi à la recherche d’un art national dans des genres plus graves et dans des genres très différens.

En Suède, en Norvège, en Finlande, le mouvement est plus décidé qu’en Danemark. C’est du côté des études en plein air, de la poésie saine et simple des travaux rustiques et des mœurs maritimes, que s’y tourne l’activité de trois écoles déjà nombreuses, unies par des aspirations communes. Ici le Danois, M. Kröyer, peut trouver en MM. Zorn, Heyerdahl, Skredsvig, Petersen, Otto Sinding, Gallen, des émules, sinon des vainqueurs. La plupart des