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et même plusieurs parisianisans, MM. Van Stetten, A. Keller, Scarbina, Mlle Dora Hitz. Ces derniers suivent trop fidèlement encore les traces de leurs maîtres ou guides français, académiciens ou boulevardiers.


III

La Belgique occupe six salles au Champ de Mars et les occupe bien. Depuis que Brackelaer et Leys ont dessillé les yeux de leurs compatriotes longtemps oublieux du passé par leurs puissantes études rétrospectives, les écoles de Bruxelles, d’Anvers et de Gand n’ont cessé de prendre une part active au mouvement européen. Si les exemples venus de France n’ont pas été inutiles aux Flamands, les efforts des Flamands n’ont pas été non plus indifférens aux Parisiens. Dès 1855, on fut ici frappé de la décision avec laquelle plusieurs Belges ressaisissaient la tradition interrompue de leurs anciens maîtres les plus vigoureux et les plus chaleureux, Flamands ou Hollandais, Frans Hals, Jordaens, Nicolas Maes, Van der Meer, Pieter de Hoogh. Depuis, c’est toujours dans le même esprit d’observation sincère et d’exécution robuste, un esprit de réalisme toujours franc et sain, sinon toujours délicat, énergique plutôt que raffiné, éclatant plutôt que spirituel, que tous les maîtres de ce pays ont lutté avec les nôtres en maintes occasions. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait chez eux des groupes variés et diversement influencés, les uns s’enfermant plus résolument dans ce naturalisme vigoureux et brillant qui procède surtout de l’école anversoise du XVIIe siècle, les autres se conformant à une tendance aussi ancienne et persistante du tempérament national, le goût de l’ordre, de la propreté, de la minutie, et regardant au loin les maîtres consciencieux de Bruges, quelques autres enfin s’efforçant de combiner, dans une fusion savante, des qualités qui ne sont contradictoires qu’en apparence, la force de la couleur et la souplesse du dessin, la justesse de l’observation et la finesse de l’expression, la tradition indigène et le sentiment moderne. Néanmoins, il n’est presque aucun d’eux qui ne conserve, malgré tout, la saveur du terroir, c’est-à-dire un sens juste et ferme des colorations chaudes et harmonisées, un maniement hardi et libre du pinceau, un sain amour pour la bonne et solide matière, pour les généreuses et abondantes coulées de pâtes brillantes.

C’est dans tous les genres où le peintre consulte directement la nature, dans le portrait, dans l’étude de mœurs, dans le paysage, que les Belges sont à l’aise et qu’ils excellent. Lorsqu’ils font de