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épave ; dans celle du second, Leur part du travail, ce sont trois femmes qui trient le poisson sur le sable. Le faire de MM. Hook et Hunter est plus heurté, plus laborieux, moins magistral et moins sûr que celui de M. Moore, mais ils possèdent comme lui une connaissance profonde de la vie des eaux et des mouvemens de la lumière.

Les marins que MM. Hunter et Hook mettent en scène ne sont pas moins vrais que leurs paysages. On en trouve de bien caractérisés encore chez M. Reid, l’un de ceux qui représentent avec le plus d’originalité les types populaires. Dans sa Rivalité entre grands-pères, un vieux loup de mer, assis contre le parapet d’un quai, ajuste devant les yeux de sa petite-fille une longue-vue, tandis que son rival, l’autre grand-père, la main sur l’épaule de l’enfant, médite ce qu’il fera de mieux encore pour l’amuser. Le titre est un peu subtil, visant à l’esprit littéraire, comme beaucoup de titres anglais ; mais l’ouvrage, en lui-même, est très simple et très librement peint. Les deux bonshommes ont des têtes tannées et recuites, avec des expressions de grosse tendresse, fort amusantes, la petite fille est à croquer. C’est tout à fait dans la direction de notre école moderne, mais en restant très anglais. On en peut dire autant du Retour de la foire de M. Bartlett et de la Société philarmonique au village par M. Forbes. Dans cette dernière toile qui représente de bons bourgeois et ouvriers exécutant le soir un concert dans un grenier, toile pleine d’observations justes et fort bien peinte, M. Forbes se montre beaucoup plus sensible que ses confrères aux procédés larges et gras des vieux Hollandais et des Français modernes. Il y a encore bien des cadres intéressans à signaler dans la section anglaise, d’abord quelques agréables tableaux de genre, soit historiques, comme la Garnison défilant avec les honneurs de la guerre, de M. Gow, le Marlborough après la bataille de Ramillies de M. Crofts, le Monmouth et Jacques II de M. Pettie, soit romanesques, comme le Tout seul de M. Orchardson, le Retour de la pénitente de M. Fildes, la Femme du Joueur de M. Stone, les œuvres de MM. Morris, Smythe, Lengley, soit purement descriptifs, comme les Gardes du corps de la reine de M. Beadle, En temps de paix de M. Millet. Presque partout l’observation des types est juste et fine, la composition dramatique ou spirituelle ; mais, sauf chez M. Gow, qui est un peintre plus ferme, l’exécution, pour nos yeux français, reste un peu mince, ou extrêmement sèche et pointillée, ou trop amollie et fuyante, et tournant presque toujours plus ou moins à ces tonalités sourdes et jaunâtres qui donnent aux toiles une apparence vieillotte et fanée.

Pour quitter les salles anglaises sur la bonne bouche, il est bon de s’arrêter devant les paysages de terre, qui parfois valent autant