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construction de routes de pénétration reviendrait fort cher. Tout au plus pourrait-on, dans la vallée du Niari, et à partir du point où le fleuve cesse d’être navigable, établir une voie ferrée ; remontante Brazzaville.

On suggère d’autres tracés, mais c’est ce dernier que préconisent les hommes compétens et, que recommande Stanley. Suivant lui, un chemin de fer, tel qu’il le faudrait pour desservir cette région coûterait 62,500 francs par kilomètre, soit 5,250,000francs, plus le coût de quatre steamers à 125,000 francs chacun. Cette voie de communication permettrait d’amener dans la circulation 60,000 tonnes d’arachides et d’huile de palme valant approximativement 26 millions de francs. On pourrait en outre y ajouter facilement 7 millions ½ d’ivoire et de caoutchouc ; les forêts de Borindi et du N’gama que traverserait la voie ferrée fourniraient le combustible. Si l’on poussait jusqu’à Stanley-Pool, ce tracé de 370 kilomètres exigerait une dépense de 20 millions, et on estime à 8 millions le revenu brut que donnerait le transport des produits d’une surface de 600,000 kilomètres carrés- rendus exploitables.

Des faits notés au cours de cette rapide visite aux divers pavillons de l’Afrique, aussi bien que des chiffres puisés aux sources officielles et des observations que suggère une étude attentive des ressources connues du continent noir, une conclusion se dégage, déjà mise en vive lumière par M. Marcel Dubois dans son remarquable volume consacré à la géographie économique de l’Asie, de l’Afrique, de l’Amérique et de l’Océanie[1], c’est « que l’Afrique n’est plus, à vrai dire, qu’une colonie européenne, et que tout ce qui n’est pas encore officiellement placé sous un protectorat quelconque fait partie du moins de la sphère d’influence de telle ou telle puissance. » L’Exposition de 1889 donne à cette assertion une pleine et entière confirmation ; elle la fait passer du domaine des faits politiques dans le domaine économique et pratique. Les Anglais, à l’est et au sud, en Égypte et au Cap ; la France, au nord et à l’ouest, en Algérie, en Tunisie, au Sénégal, au Gabon, projettent leur ombre sur les régions avoisinantes ; celle de l’Espagne s’étend sur le Maroc, comme celle de l’Italie, campée à Massouah, sur l’Abyssinie et sur la Tripolitaine, qu’elles convoitent. L’Allemagne ambitionne la région intérieure des grands Lacs qui fait face à Zanzibar ; elle occupe la côte septentrionale du Somal et Cameroun ; la Belgique administre l’état intérieur du Congo.

Le jour est proche où ce vaste continent, que l’Europe dépèce et se partage avant même de le connaître en entier, envahi,

  1. Un vol. in-8o ; G. Masson.