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mi-classique, mi-romantique dans lequel il s’était attardé, et ne redoutant plus enfin d’être lui-même, est devenu l’auteur du Mariage d’Olympe, des Lionnes pauvres, des Effrontés, du Fils de Giboyer. Et c’est enfin le Demi-Monde, la Question d’argent ou la Dame aux camélias qui sont demeurés, depuis plus de trente ans, l’expression la plus hardie, la plus précise, et la plus durable d’une formule dramatique dont la fécondité ne semble pas encore épuisée. Dans la direction que M. Dumas a frayée, — qui n’est autre que celle où depuis plus d’un siècle les théoriciens du théâtre essayaient d’engager les auteurs, — il suffira, longtemps encore, pour trouver au besoin des chefs-d’œuvre, d’être capable de les écrire. On remarquera que cela n’avait pas suffi à l’auteur de Marion Delorme et d’Hernani.

Une autre influence n’a pas été moins considérable que celle de M. Dumas : je veux parler de celle de Gustave Flaubert. Nourri dans le respect ou dans la superstition, et ce n’est pas assez dire encore, nourri dans la folie du Romantisme, Flaubert lui-même s’est-il rendu compte de ce qu’il a fait dans Madame Bovary ? Je n’en suis pas bien sûr ; et je dirais pourquoi, si c’était de lui que je voulusse ici parler. Mais il n’est question que de son œuvre, sur le caractère de laquelle il me faut d’abord avouer que je ne partage pas la façon de penser de M. Pollissier : « L’originalité supérieure de Madame Bovary, suivant lui, « ce serait, en effet d’avoir concilié ce qu’avaient de légitime les visées du romantisme avec ce que les exigences du réalisme avaient fondé ; » et nous, si nous voyons dans Madame Bovary quelque chose, d’original et de supérieur, c’est au contraire et justement ce que nous appellerons la dérision du Romantisme. Emma Bovary, la fille au père Rouault, la femme de l’officier de santé de Yonville, la maîtresse de M. Rodolphe de la Huchette, c’est, avec les rêves de son imagination délirante, la caricature ou la parodie des femmes incomprises, des adultères échevelées, et des amours fatales du drame et du roman romantiques. Les voilà, les Indiana et les Lélia, les Valentine et les Angèle, des malades ou des « névrosées, » — quoique je crois que le mot ne fût pas encore inventé, — qui trouvent toujours pour les comprendre quelque Antony de chef-lieu de canton ! Si le livre a une portée qui le dépasse lui-même, qui aille au-delà de l’intention de son auteur, il n’en a pas une autre, et, quel que fût d’ailleurs Flaubert, jamais les « visées du romantisme » n’avaient été par personne plus outrageusement bafouées. Mais, d’autre part, il est parfaitement vrai que, de cette peinture des mœurs de province, aussi fidèle qu’un tableau d’un petit Hollandais, les « exigences du réalisme » recevaient une satisfaction qu’elles n’avaient pas toujours trouvée dans les romans de Balzac, où l’effet n’est souvent