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ce voisinage a coûté plus de la moitié de son empire : le Texas et le Nouveau-Mexique, le Colorado et l’Utah, l’Arizona, le Nevada et la Californie ; sept États nouveaux annexés aux États-Unis, États de l’or et de l’argent, États de grande culture et de grande pâture, emportés dans une rapide campagne par une poignée d’hommes ; tardives représailles des conquêtes d’aventuriers, qui, trois siècles et demi auparavant, faisaient tomber aux mains de Fernand Cortez et de ses compagnons le riche et florissant empire des Aztèques. Un hardi coup de main a repris à la race espagnole ce qu’avait ravi aux légitimes possesseurs du sol une injuste agression : un territoire immense que le Mexique, épuisé par la guerre d’indépendance et ses discordes civiles, laissait en triche.

S’il a chèrement payé ses fautes, ses pronunciamientos et ses dictatures militaires, si la fortune ne lui a épargné ni les avertissemens ni les revers, après avoir, et au-delà, comblé les ambitions et rassasié la cupidité des premiers envahisseurs, si le génie fanatique et sombre de l’Espagne de Philippe II, après avoir brillé d’une lueur livide sur un continent dévasté, a failli disparaître à jamais dans une série de revers inouïs, l’éclipse n’a été que momentanée. Ce que l’Espagne a perdu, l’Espagnol l’a gardé ; aujourd’hui, comme il y a trois siècles, il est en possession de toute l’Amérique méridionale et centrale, d’une partie de l’Amérique septentrionale. Si les noms sont changés, si les provinces royales sont devenues des États républicains, la souveraineté est demeurée aux mêmes mains, morcelée, divisée, mais agissante et vivante, et nous assistans en ce moment à un puissant réveil de ces nationalités du même sang. Du Rio Grande au cap Horn, un souffle nouveau a passé, réveillant les ambitions endormies, les espoirs ajournés, secouant la longue torpeur, suite des grands efforts faits pour conquérir l’autonomie et arracher à la métropole la reconnaissance de l’indépendance des colonies.

Dans un palais aztèque, dont la construction n’a pas coûté moins d’un million, palais aux massives murailles et aux roides escaliers, au portique soutenu par deux puissantes cariatides et couronné par Tonatiuh, emblème du soleil, le Mexique expose aux regards curieux les produits de son sol et de son industrie : sol étrange où, par gradins successifs, le climat change, la température s’abaisse, où, des terres chaudes, on s’élève aux terres tempérées, puis aux terres froides, où les produits des tropiques coudoient ceux de nos zones ; industrie naissante, créée, alimentée par les capitaux et les machines de l’Europe et des États-Unis, mais chaque jour plus prospère et plus rémunératrice. Dans le salon central, de 40 mètres de long sur 24 de large, s’étalent bois et minerais, chanvres et cordes,