Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 95.djvu/854

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et Cie, D. Appleton, Barnes et Cie, Lippincott, Lothrop et autres dont les noms sont aujourd’hui bien connus en Europe. Avec orgueil aussi ils nous montrent ce qu’ils ont su faire dans ce domaine de l’éducation populaire, où ils ont devancé l’Europe. Cette exposition scolaire eût gagné toutefois à être plus étendue et plus complète. Telle qu’elle est, elle assigne à Boston une incontestable supériorité.

Ces choses-là vues, demandez aux œuvres de leurs artistes de compléter l’impression ressentie, de vous révéler ce que peut donner, dans ce domaine autre de l’esprit humain, la race utilitaire et pratique dont vous avez admiré le colossal effort et la surprenante richesse. Trop jeune encore pour avoir un passé artistique, quel avenir s’offre à elle, quelles sont ses idées et ses tendances, ses conceptions et son but ? Où en est-elle de cette période d’initiation qu’ont traversée tous les peuples avant que leur génie original se révélât à eux, dans l’œuvre d’un maître, dégagée des scories de l’imitation servile, de la reproduction sans âme et sans foi ? Là, comme ailleurs, vous retrouverez l’effort persévérant, mais là plus qu’ailleurs vous discernerez, sous l’influence des maîtres passés et modernes, une note personnelle, une aspiration à s’ouvrir vers l’idéal des voies nouvelles, une conception particulière de la vie, de la nature et de la lumière. Leur art, comme leur génie, est l’antithèse de l’art et du génie de l’Extrême-Orient. Il dérive du nôtre, et leur individualité plus accentuée se trahit par une recherche plus tourmentée. La vivacité de l’impression aboutit parfois à une excessive intensité d’expression qui dépasse le but, mais qui, assagie par l’expérience, l’atteindra.

De cet ensemble de l’exposition des États-Unis, du groupement sans lacunes, du tout, harmonieux dans ses proportions vigoureuses, se dégage, nette et claire, la vision d’un grand peuple, d’une nationalité jeune et puissante. Elle a, sans faiblir, supporté l’épreuve de la guerre étrangère et de la guerre civile, de la prospérité qui amollit les âmes, de la richesse qui mine les empires. Avec confiance elle marche de l’avant, et la France qui l’a vue naître, qui a aidé ses premiers pas, la suit d’un œil sympathique dans la voie où l’attendent de hautes destinées.


III

En quittant les États-Unis, nous pénétrons dans un autre monde ; la race anglo-saxonne cède la place à la race espagnole, et, dans ce vaste continent, nous ne la retrouverons plus. Elle en détient près de la moitié, et, sur le reste, étend son ombre. Ombre grandissante, voisinage dangereux. Qui le sait mieux que le Mexique, à qui