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françaises, l’Union des femmes de France. M. Maxime Du Camp a raconté le bien qu’elles font et comment chacune le fait. On dit l’émulation un peu vive entre les trois sœurs, d’autant plus vive que nos nuances politiques se retrouvent là sur la charpie. Pourquoi pas ? Trois couleurs, c’est le drapeau, et cela n’en fait jamais qu’une dans la fumée de la bataille. Les blessés ne se plaindront pas de la concurrence. Si le lecteur me presse de lui dire quelle est la meilleure des trois Sociétés, je réponds délibérément : celle qui aura le mieux su délier les cordons de votre bourse.


LA PAIX SOCIALE.

A quelques pas du palais de la guerre, on trouve sur l’Esplanade le groupe de l’économie sociale, ou, comme ses organisateurs aiment à l’appeler, « la Paix sociale.  » Qui dit paix suppose par là même une guerre antérieure ; et en effet, ici comme dans le lieu d’où nous sortons, tout ce que nous verrons sous-entend un autre mode de la lutte pour l’existence ; lutte moins violente que les batailles accidentelles du soldat, plus sourde, plus générale, plus continue ; lutte du travailleur contre les fatalités économiques, et parfois contre les détenteurs de la richesse, sur lesquels il rejette l’odieux de ces fatalités. — Ces pavillons nous font connaître les palliatifs inventés dans notre siècle pour atténuer le vieux mal du monde. On ne me croirait pas, si je disais qu’ils sont très fréquentés. Beaucoup de gens ne cherchent à l’Exposition, comme dans toutes les choses de la vie, que l’oubli des réalités tristes ; ceux-là se hâtent de sortir, quand ils se sont fourvoyés dans ces salles sévères, presque vides, sans autre attrait pour l’œil que des tableaux graphiques, des statistiques, des chiffres, quelques modèles de cités ouvrières. Heureuses gens, qui n’entendent pas sous leurs pieds le bruit de la souffrance et le bruit du danger ! Se peut-il qu’un homme de ce temps ne sente pas le besoin d’entrer là ? On y étudie les fondations humaines sur lesquelles s’élèvent les merveilles de l’industrie que nous avons passées en revue, on y réfléchit sur un des graves problèmes de la vie terrestre, j’eusse dit le plus grave, si celui qui vient de se dresser devant nous avec les forces défensives de la patrie n’existait pas.

Je confesse ingénument, — et mon cas doit être celui de beaucoup d’autres, — qu’en mettant le pied dans cette section, j’ai été saisi par un vif désir de résoudre la question sociale. Plusieurs raisons m’empêchent de persévérer dans ce dessein. La première, on la devine : je n’ai pas encore trouvé. La seconde, c’est qu’il serait parfaitement ridicule d’entreprendre la cure de l’humanité