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et néanmoins toujours inconnu. Il serait presque banal d’ajouter quelle véritable organisateur de la victoire, ce ne sera pas le ministre de la guerre qui fondra des pièces à longue portée et dressera des plans d’une exécution incertaines ; ce sera le ministre de l’instruction publique, d’éducateur, quelque soit son titre, qui améliorera l’élément humain ; non pas, comme on le dit trop souvent, celui qui enseignera un peu mieux l’alphabet et quelques autres choses, mais celui qui trempera les cœurs pour la tâche suprême. Le seul bon côté du service universel, c’est l’obligation où l’on est désormais d’élever tous les citoyens comme on élevait jadis ceux de la classe noble, en leur donnant pour idéal supérieur la pratique des vertus militaires. Je me propose d’examiner une autre fois si ce que nous considérons comme un fléau n’est pas le remède naturel aux infirmités d’une démocratie. Pour le sujet qui nous occupe, bornons-nous à constater que l’Exposition de la guerre ne peut pas nous renseigner sur les deux facteurs auxquels tous les autres sont subordonnés : la préparation des hommes ; la venue d’un homme. Quant à ces canons automatiques, électriques, hydrauliques, en rappelant à l’œil le mobilier de l’Observatoire, ils font penser aux mésaventures trop fréquentes des astronomes. A grands frais d’argent, de travail, de patience, les astronomes construisent pendant plusieurs années des instrumens admirables, ils rétablissent des théories infaillibles, pour observer un phénomène céleste de première conséquence qui ne se reproduit qu’à de longs intervalles. La minute attendue arrive : tout est prêt, tout est calculé, tout est prévu ; tout, sauf la petite nuée d’orage qui passe dans le ciel, dérobe la rencontre des astres et rend inutile le long effort des pauvres savans. Dieu veuille qu’il se forme en notre faveur, le petit nuage qui décidera de l’événement dans les rencontres annoncées pour la nuit de demain.

Il ne faut pas s’éloigner de cette maison de la guerre sans visiter à sa porte les services hospitaliers. La charité, le dévoûment, ce ne sont pas choses neuves ; ce qui est neuf, c’est le besoin d’organisation rationnelle que la vertu ressent à notre époque, comme le ressentent toutes les autres manifestations de l’activité humaine. Les femmes de France ont compris qu’elles étaient astreintes au service obligatoire, au même titre que les hommes. Elles apprennent d’une façon pratique leur métier d’ambulancières ; elles mettent la science à contribution, elles aussi, pour rendre leur action secourable non moins efficace, non moins rapide que l’action meurtrière du nouvel armement. Le pavillon de la Croix-Rouge abrite sur l’Esplanade les installations de trois société distinctes ; je les nomme par ordre chronologique : la Société française de secours aux blessés, l’Association des Dames