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simples, ce qui est rare, soit qu’elles se combinent entre elles, selon des modes très variés d’affinité ou de réaction chimiques. L’eau, elle aussi, passe par ces trois états, et contrairement à ce qui a lieu pour d’autres substances, depuis longtemps fixées à l’état solide, telles que la plupart des métaux, elle s’offre encore à nous sous les trois états : de vapeur invisible ; de liquide à peu près incolore, c’est l’eau ; de corps solide, transparent et cristallin, ou glace. Il existe même, entre les états gazeux et liquide, un état intermédiaire, semi-gazeux, qui se présente dans les nuages, et un autre, opérant la transition entre l’eau et la glace, qui est la neige. De la neige floconneuse, on passe à la neige finement granuleuse ou « névé » qui finalement se convertit en glace solide et consistante, celle des glaciers. L’eau, si l’on remonte à des temps très éloignés, où le globe, après avoir été incandescent, conservait encore une chaleur propre très élevée, a été certainement tout entière à l’état de vapeur répandue au sein de l’atmosphère, et l’on sait que, dans cet état, elle est d’une transparence parfaite ; puis, un moment est venu où elle a pu former des nuages, ruisseler en pluie et se rassembler à l’état liquide, d’une façon d’abord momentanée, ensuite permanente. Mais, de même que l’eau liquide a dû rester longtemps inconnue sur la terre, l’eau solide, neige ou glace, l’a été longtemps aussi, autant que l’est pour nous l’oxygène, l’azote ou l’hydrogène, que les efforts obstinés de la science ont pu seulement nous faire entrevoir dans cet état il y a peu d’années.

La glace est donc venue à son tour, à son heure, et ce fut un événement immense, sur le globe, que le jour où la neige blanchit les hauteurs pour la première fois. Comment se produisit-elle ? Sans doute et avant tout par les progrès du refroidissement, sur lequel nous reviendrons tantôt ; mais enfin à la faveur de quelles circonstances ? M. Falsan a soin de nous l’apprendre : au moyen de ce qu’il nomme les « condenseurs ou condensateurs réfrigérans, » c’est-à-dire les points du globe accidentellement ou normalement plus froids que le reste de la surface. Sur ces points et dans ces endroits, l’abaissement de la température dut, à un moment donné, atteindre un degré équivalent à celui de la congélation. Or ces points du globe terrestre sur lesquels le froid a dû se localiser sont nécessairement de deux sortes : les pôles, d’une part, et, d’autre part, les hauteurs ou aspérités superficielles, soit les élévations montagneuses. — Aux pôles, c’est l’obliquité des rayons solaires, effet direct de l’inclinaison de l’axe sur le plan de l’orbite, diminuant leur force calorifique ; sur les montagnes, c’est l’altitude atteignant à des régions atmosphériques où l’air trop raréfié cesse de retenir la chaleur, qui entraînent l’abaissement. Sur les hauteurs rapprochées des régions polaires, les deux causes