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puissans du XIXe siècle ? N’est-ce pas celle que poursuivent aujourd’hui, avec plus ou moins d’élévation et de force, mais avec la même volonté, dans la peinture rustique et populaire, MM. Jules Breton, Lhermitte, Roll, Dagnan, dans la peinture historique MM. Puvis de Chavannes, J. -P. Laurens, Morot, Cormon, François Flameng ? Nous ne citons là que les chefs de colonne. Autour d’eux s’agite une multitude, active et toujours grossissante, de talens qui, sans subir une discipline rigoureuse, marchent nettement dans la même voie.

Ces aspirations vers un idéal de vérité, de simplicité, d’humanité, c’est, en grande partie, nous l’avons vu, aux paysagistes que nous les devons. Corot, Rousseau, Millet, Courbet, Jules Breton, les premiers, les ont clairement formulées. Aussi n’est-il pas surprenant que leur influence s’étende de plus en plus et que, dans les genres les plus différens, dans ceux où la nature extérieure ne pénétrait guère autrefois, dans les scènes historiques, dans les compositions allégoriques, dans le portrait même, ce soit le paysage qui joue fréquemment le rôle principal, et surtout l’habitude que donne l’exercice du paysage d’attribuer une importance extrême à la justesse de l’action atmosphérique, à l’exactitude du mouvement lumineux, à la fusion harmonieuse de l’ensemble. Les remarquables expositions de MM. Jules Breton, Roll, Lhermitte, Dagnan, sans parler de celles des paysagistes, MM. Français, Harpignies, Bernier, Busson, Pelouze, Rapin, Vollon, sont bien faites pour leur assurer toujours cette prépondérance. Si, en regard de la façon large, élevée, sympathique, presque grandiose avec laquelle les premiers étudient les paysans et les ouvriers, on se rappelle la façon vulgaire dont les traitaient, au XVIIe siècle, les artistes flamands et hollandais, les seuls dans le passé qui ressemblent à nos Français par leur goût de vérité et leur amour du présent, on saisit vite la différence, toute en notre faveur, qui distingue les deux écoles. Sauf en quelques tableaux de corporations patriotiques, hospitalières, savantes où liais, Van der Helst, Rembrandt ont réuni des personnages intéressans, avec quelle étroitesse bourgeoise, parfois avec quel mépris aristocratique, y sont traités les gens du peuple ! Hors du train-train coutumier du ménage et de l’intérieur, que Pieter de Hoogh, Metzu, Ter Borch racontent avec une bonhomie incomparable, ce ne sont que tabagies, cabarets, mauvais lieux où l’ouvrier et le paysan ne paraissent qu’un des attitudes crapuleuses ou grotesques. Avec quel sentiment supérieur de l’élévation morale et de l’intelligence grave qui peuvent habiter des âmes simples, de la grandeur salubre du travail et des noblesses douces de la vie domestique, tous les artistes dont