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s’efforçait surtout de réappliquer les procédés empruntés aux Hollandais et aux Anglais à l’étude du paysage et des scènes familières. Dès 1827, il exposait sa Chasse au vanneau. De 1827 à 1830, il ouvrait à nos peintres le chemin de l’Orient où l’allait suivre Marilhat. Quant à M. Meissonier, plus jeune de dix ans, lorsqu’il débuta, d’abord comme illustrateur, ensuite comme peintre, c’est avec raison que les connaisseurs pressentirent en cet observateur précis, opiniâtre, implacable, le dessinateur qui allait désormais servir d’exemple à tous ceux qui voudraient placer des figures historiques ou réelles dans un milieu bien déterminé. Nous avons plusieurs spécimens du talent inégal, ingénieux, accidenté, de Decamps, dans la Cour de ferme, le Garde-chasse, la Sortie de l’école turque. L’ambition de ce peintre de genre fut toujours d’être un peintre d’histoire, et, lorsqu’il veut bien enfermer ses mêlées furieuses dans de petits cadres, comme le Samson combattant les Philistins, il y apporte une passion, à la Salvator Rosa, qui n’est point sans grandeur. Des aspirations du même genre devaient aussi plus tard agrandir singulièrement le talent de M. Meissonier. Par quelle suite obstinée d’études et d’efforts l’auteur ingénieux du Lazarille de Tormes et des premiers Liseurs est-il devenu le peintre énergique, pathétique, profond de cette poignante épopée, de ce chef-d’œuvre, le 1814, plus grand et plus puissant dans son petit cadre que toutes les grandes toiles environnantes ? C’est à quoi le Champ de Mars peut répondre en nous montrant, soit dans la section ancienne, soit dans la section moderne, une série d’études qui nous permet de suivre cette activité infatigable depuis 1839 jusqu’en 1889. Un des patriarches du romantisme que l’Exposition universelle aura remis le mieux en lumière est aussi M. Jean Gigoux. Son Portrait du lieutenant gênerai Davernicki (1833), peinture libre, chaude, vivante, comparable aux belles brossées de Gros, et ses Derniers momens de Léonard de Vinci (1837), d’une exécution non moins savoureuse en certaines parties, établissent son rôle actif dans l’évolution qui ramenait l’école vers un naturalisme intelligent.

On sait comment, à la fin du règne de Louis-Philippe, apparut une école nouvelle, composée en général d’élèves de Paul Delaroche, mais principalement influencée par Ingres et par Gleyre, les auteurs récens et applaudis de la Stratonice et des Illusions perdues. Le Salon de 1847 révéla à la fois Couture et M. Gérôme, qu’entourèrent Hamon, Picou, Gendron, etc. M. Gérôme n’a rien exposé au Palais des Beaux-Arts, mais l’Orgie romaine de Couture occupe une place d’honneur en face du Couronnement du sacre. Si le style de cette vaste composition reste assez mou et flottant, si l’ordonnance en est plus théâtrale que significative, si la facture en est