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orléanistes, de simples réactionnaires ou de rechercher l’alliance des réactionnaires. Ils ont même traité en ennemi, presque en transfuge, un Je leurs chefs les plus éminens, M. Challemel-Lacour, le jour où, avec une courageuse éloquence, il a osé faire tout haut la confession des fautes de la république officielle depuis dix ans. Grand et irrémissible crime pour l’esprit de parti ! Et la conséquence pour ces prétendus politiques qui se croient des modérés, des hommes de gouvernement, pour les opportunistes, a été de perdre leur crédit, et, pour ainsi dire, leur raison d’être, de se confondre une fois de plus avec les radicaux sous ce drapeau bariolé et troué d’une concentration chimérique qu’ils arborent de nouveau aujourd’hui dans un intérêt électoral. Ils n’ont rien appris, ou ils ont tout oublié. Ils en sont encore à comprendre que c’est cette politique qui a préparé la crise où les passions césariennes se sont réveillées. Ils voteront plus que jamais pour M. Basly et M. Camélinat, comme en 1885. Ils crieront, s’il le faut, plus haut que les radicaux. C’est justement leur faiblesse de n’être plus que des radicaux déguisés, n’ayant rien à offrir, rien à promettre, et ce n’est une représentation nouvelle de la comédie qu’ils jouent depuis dix ans.

Naguère encore, ils allaient presque jusqu’à avouer qu’il avait pu y avoir des témérités financières, qu’on était peut-être allé un peu vite, qu’il fallait songer à remettre l’ordre dans le budget, à éteindre les déficits, à réaliser des économies. Depuis, ils ont repris courage, ils se sont enhardis et ils n’avouent plus rien. Ils font répéter partout comme s’ils le croyaient, comme s’ils espéraient abuser de la crédulité populaire, que jamais les finances n’ont été plus prospères, que les ministères républicains ont réalisé 300 millions d’économies dans le budget, que les déficits et les emprunts ne sont qu’une invention réactionnaire. C’est un mot d’ordre qui court la France ! Il n’y a pas longtemps encore, les opportunistes avisés n’hésitaient point à reconnaître la nécessité de ménager les croyances et les sentimens du pays, de préparer une pacification religieuse et, s’ils parlaient ainsi, c’est qu’ils s’y croyaient sans doute intéressés. Aujourd’hui, M. le garde des sceaux Thévenet adresse aux évêques une circulaire qui est certes un des documens électoraux les plus extraordinaires. M. le ministre des cultes n’y va pas de main légère. Il impose au clergé la plus sévère neutralité, il lui interdit toute manifestation d’une préférence politique, fût-ce dans un intérêt religieux ; il va même jusqu’à menacer les prêtres plus ou moins suspects d’une hostilité systématique d’une « radiation des cadres du clergé rétribué par l’état. » M. le ministre des cultes s’est tout bonnement exposé à provoquer une réponse comme celle de M. l’évêque de Séez, Mgr Tregaro, qui lui a demandé si les prêtres étaient désormais « des ilotes et des parias » en France. Qu’est-ce à dire en effet ? Assurément il est toujours vrai que la conduite la plus sage pour le clergé est de