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sitôt installé à Bonn, il y avait fait venir ses frères, ses cousins, plusieurs musiciens de Louvain et d’Anvers : il avait formé autour de lui une petite colonie flamande.

En 1733, âgé lui-même de vingt et un ans, il s’était marié avec une jeune fille de dix-neuf ans, Maria-Josepha Poll. Après plusieurs années d’une vie qui semble avoir été calme et unie, cette femme prit des habitudes d’ivrognerie si fortes que son mari dut la faire enfermer dans un couvent de Cologne, où elle mourut en 1775. L’ivrognerie de sa femme était-elle un motif suffisant pour amener le bon et sage Flamand à prendre contre elle une mesure d’une telle rigueur ? Ne convient-il pas de supposer plutôt que la funeste passion de Maria-Josepha s’est développée sous le coup d’un dérangement de ses facultés mentales, causé peut-être par le désespoir qu’elle eut de la mort de ses deux premiers enfans et de l’inconduite du troisième ? Ainsi seulement s’expliquerait l’abandon absolu où elle fut laissée, depuis son incarcération, et l’absence de toute relation, dès cette date, entre elle et sa famille.

C’est en 1740, que naquit Jean van Beethoven, le père du compositeur. Inintelligent, incapable d’études quelconques, Jean passa son enfance hors de la maison, à courir les bals et les cabarets. Dès 1751, son père le fit recevoir dans la chapelle électorale, où il garda jusqu’au bout une position très effacée, remplissant successivement les rôles de soprano, de contralto et de ténor. Son caractère comme son intelligence peuvent se résumer d’un mot : c’était la nullité parfaite. L’habitude d’ivrognerie qu’il avait prise de bonne heure n’eut jamais chez lui un aspect passionné ou maladif. Il n’est pas vrai non plus qu’il ait été un méchant homme, comme l’ont fait croire quelques anecdotes sur sa conduite à l’égard de son fils. Paresseux, commun et niais, incapable de s’intéresser vivement à quoi que ce soit, il avait été naturellement amené à passer dans l’air abrutissant des tavernes les intervalles de loisir que lui laissait son humble métier.

Jean van Beethoven avait vingt-sept ans, en 1767, lorsqu’il se maria avec une jeune veuve, Marie-Madeleine Leym, née Keferich. C’était la fille d’un chef cuisinier d’Ehrenbreitstein : son premier mari, qu’elle avait épousé à dix-sept ans et qui était mort deux ans après, avait été valet de chambre de l’électeur de Trêves. Au moment de son second mariage, elle avait vingt et un ans : elle en avait vingt-quatre lorsqu’elle mit au monde, en 1774, son fils Louis. Elle mourut d’une phtisie en 1787. Parmi tous les ascendans de Beethoven, c’est elle qui est, à coup sûr, la figure la plus attachante ; elle seule, aussi, a exercé sur l’éducation de son fils une influence directe. « Elle a été pour moi une mère bonne et aimable, et