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C’était pourtant « une faveur nouvelle » que Quatremère de Quincy se décidait à recevoir de l’Académie, lorsque, moins d’une année après celle où il lui avait adressé la lettre que nous venons de transcrire, il succédait à Lebreton dans les fonctions de secrétaire perpétuel ; mais, quelles que fussent les apparences, il n’y avait pas en réalité de contradiction entre les motifs qui lui avaient inspiré ces deux déterminations différentes. En refusant, avec un désintéressement où il entrait peut-être quelque prévoyance, de faire partie de la section récemment créée, l’auxiliaire déjà reconnu de l’Académie avait entendu témoigner par là qu’un litre n’ajouterait rien au privilège qu’il tenait d’elle de participer à ses travaux dans le champ tout spécial où son érudition personnelle lui permettait d’agir utilement : en acceptant, en 1816, les fonctions de secrétaire perpétuel, il acquérait le droit de diriger ou d’expédier les affaires de l’Académie, sans pour cela cesser de la servir dans ce qui intéressait l’histoire même ou les progrès actuels de l’art proprement dit.

Quatremère de Quincy était mieux que personne en mesure de satisfaire à cette double obligation. Les études théoriques et pratiques auxquelles il était voué depuis sa jeunesse, ses longs séjours en Italie, les écrits publiés par lui à partir d’une époque antérieure à la Révolution[1], lui avaient assuré dans toutes les questions relatives aux beaux-arts, y compris même la musique, l’autorité la plus sérieuse. En outre, la place qu’il avait eue et le rôle qu’il avait joué dans les assemblées politiques, — dans le conseil de la Commune de Paris en 1789, plus tard à l’Assemblée législative et au conseil des Cinq-Cents, — lui avaient donné une expérience des affaires et une habitude de la parole qui semblaient le désigner de préférence à tout autre pour les fonctions dont il venait d’être revêtu. Encore faut-il ajouter que la droiture et la fermeté de son caractère avaient été assez rudement mises à l’épreuve aux jours les plus sombres de la fin du dernier siècle pour garantir de reste

  1. Un des premiers en date est le mémoire couronné, en 1785, à la suite du concours ouvert par l’Académie des inscriptions et belles-lettres sur cette question : Quel fut l’état de l’architecture chez les Égyptiens, et en quoi consiste ce que les Grecs paraissent en avoir emprunté ? Parmi les nombreux ouvrages de Quatremère de Quincy qui suivirent, il suffira de citer : le Dictionnaire d’architecture, devenu bientôt et resté aujourd’hui un livre classique sur la matière (le premier volume parut en 1788) ; les Considérations sur les arts du dessin, en France (1791) ; ces Lettres sur le déplacement des objets d’art appartenant à l’Italie, dont nous avons eu déjà l’occasion de parler (1796) ; enfin, une série de dissertations archéologiques lues dans les séances de la classe d’histoire et de littérature anciennes entre les années 1804 et 1812. et dont plusieurs devaient trouver place dans le Jupiter olympien, une des œuvres principales, sinon le chef-d’œuvre du savant écrivain.