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des Sabines et du tableau, beaucoup plus récemment exécuté, des Thermopyles.

L’exil de David enlevait à l’Académie des Beaux-Arts un de ses membres les plus renommés ; mais, si regrettable que fût le fait, il ne causait pas en réalité à la Compagnie un bien grave préjudice au point de vue de ses travaux intérieurs et de la bonne confraternité académique. A force d’orgueil intraitable, d’intolérance dans les opinions et d’aigreur hautaine dans le langage, David s’était aliéné à l’Académie jusqu’aux admirateurs les plus zélés de son talent, jusqu’aux anciens compagnons de sa jeunesse. Il avait fini par le sentir si bion que depuis un certain nombre d’années déjà, nous l’avons dit, il ne paraissait plus guère aux séances que les jours où il s’agissait de juger les concours pour les prix de Rome et, par conséquent, de soutenir, au profit de sa propre importance, la cause de ses élèves. Pour tout le reste, il affectait de demeurer étranger aux décisions prises par ses confrères, ou il ne s’en occupait que pour les critiquer avec des sarcasmes qu’il n’épargnait pas davantage aux œuvres personnelles de chacun d’eux[1]. En un mot, David était resté à l’Institut ce qu’il avait été dans l’ancienne Académie de peinture, un des premiers par le talent, mais un des derniers par le caractère, un artiste hors ligne pour le public, mais en réalité et à huis clos le plus fâcheux des académiciens.

Exclu de l’Académie, comme David, par l’ordonnance de 1816, Lebreton, au contraire, laissait dans la Compagnie les souvenirs d’un dévoûment sans réserve et, quant aux services journaliers qu’un secrétaire perpétuel peut rendre, un vide qu’il paraissait difficile de combler. On voulut d’abord lui donner pour successeur celui qui avait rempli ses fonctions par intérim, l’architecte Dufourny ; mais, quoique les suffrages de l’Académie se fussent à l’unanimité réunis sur son nom, Dufourny déclina, pour des raisons de santé, la tâche que lui proposait la confiance de ses confrères, et M. Quatremère de Quincy, porté en seconde ligne sur la liste de présentation, fut élu, séance tenante.

Le nouveau secrétaire perpétuel avait été choisi parmi les

  1. Un exemple, entre beaucoup d’autres, pourra donner la mesure de la vanité de David et de la brutalité de ses dédains pour ses confrères. Vers la fin de l’empire, lui et Regnault avaient été chargés chacun de peindre un portrait de Napoléon en costume impérial. L’empereur se montra mécontent des deux toiles et défendit qu’on les exposât : « Eh bien ! dit David à Regnault en le rencontrant peu après i l’Institut, il paraît que l’empereur n’est pas satisfait de nos portraits. Cela s’explique : j’ai fait exécuter le mien par mes élèves, tandis que le tien, c’est toi-même qui l’as peint. »