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Le retour des Bourbons en 1814 avait été salué dans notre pays sans enthousiasme assurément pour leurs personnes, mais avec un sentiment de bon vouloir à peu près unanime pour les idées et le régime qu’ils paraissaient représenter. Lasse des excès du despotisme impérial, épuisée par les dernières guerres et comme saignée à blanc par des levées de troupes qui, à la fin, s’étaient renouvelées jusqu’à quatre fois dans le cours d’une seule année (1813), la France avait soif de repos à tout prix. Elle croyait en trouver les gages dans le nouveau gouvernement, et se jugeait à juste titre assez riche de gloire pour demander seulement à celui-ci de lui assurer la paix au dehors, et, au dedans, la liberté que, pas plus que les gouvernemens républicains, l’Empire ne lui avait donnée. Aussi, malgré les fautes ou les maladresses commises pendant les onze mois qui précédèrent le retour de l’île d’Elbe, la chute du pouvoir royal au mois de mars 1815 laissa-t-elle dans beaucoup d’esprits des regrets que ne purent d’abord effacer ni l’éclat de la prodigieuse aventure menée à fin par Napoléon avec le succès que l’on sait, ni les efforts, sincères ou non, qu’il tenta durant les Cent jours pour réformer dans un sens plus libéral les anciennes « constitutions de l’Empire. » Mais quand le désastre de Waterloo eût été la préface du second retour des Bourbons, quand on les eût vus se réinstaller aux Tuileries sous la protection de ceux-là mêmes qui venaient de triompher de l’armée française, on les rendit instinctivement responsables des malheurs qu’un autre en réalité avait attirés sur la patrie ; on confondit leur cause avec celle de l’ennemi, leur fortune renaissante avec l’échec subi sur le champ de bataille, leur résistance même à certaines exigences des alliés avec l’humiliation de l’orgueil national.

Pour avoir raison de ces injustices ou de ces défiances, il eût fallu que le gouvernement de la seconde Restauration y répondit dès le début par des mesures d’apaisement et par la pratique scrupuleuse des engagemens formulés dans la proclamation de Cambrai. Il crut, au lieu de cela, pour démontrer sa prétendue force, devoir recourir à des violences qui ne pouvaient qu’achever de lui aliéner les esprits ; dresser, sous l’inspiration d’un Fouché, des listes de proscription en contradiction formelle avec les paroles de clémence et les promesses des premiers jours ; en un mot, essayer d’intimider la conscience publique au risque de n’arriver qu’à l’exaspérer ou, tout au moins, de la rendre plus rebelle à la confiance dans le pouvoir nouveau. C’est ce qui résulta en particulier d’un fait lié de près à notre sujet, de cette spoliation du musée accomplie au commencement du mois de juillet 1813, et dont le souvenir est encore aujourd’hui l’un des plus amers que la seconde invasion ait laissés dans la mémoire de la population parisienne.