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Dès lors nous entrons dans une phase nouvelle. L’heureuse armée à laquelle appartient la cavalerie victorieuse, orientée désormais sur l’emplacement ou la direction des masses ennemies, s’ébranle et se porte à l’attaque. Jouissant d’une information large et sûre, du bénéfice inestimable de l’initiative, elle marche, aisée et clairvoyante, vers un adversaire immobile et aveugle. Elle va imposer la bataille ; l’ennemi va la subir. Mais, sous peine de laisser échapper une proie assurée, il s’agit maintenant de conserver un avantage si chèrement acquis. À ces masses en marche il faut des informations incessantes et rapides ; de plus, une atmosphère de sécurité suffisant pour progresser sans préoccupation ni fatigue ; en somme, avec la tranquillité d’esprit et la confiance, la liberté d’approvisionnement et de mouvement. Un service nouveau s’offre à la cavalerie ; sa mission stratégique n’est pas encore terminée, elle est seulement modifiée.

Pour caractériser par des faits cette seconde période, il suffirait de remonter aux guerres du premier empire. En avant, sur les flancs de ses armées en marche, Napoléon lançait des masses de cavalerie. Ce furent les grandes chevauchées de Murat, de Bessières, en 1805, 1806, 1809, 1812. Leurs missions étaient diverses, mais nettement définies. En 1805, la grande réserve de cavalerie, par ses démonstrations aux débouchés de la forêt Noire, retient l’armée autrichienne dans ses positions d’Ulm. En 1806, ses escadrons de cavalerie légère ouvrent à la grande armée les défilés de Franken-Wald. En 1812, les trois immenses colonnes envahissant la Russie sont éclairées, couvertes et reliées par des corps de cavalerie. Plus près de nous, en 1870, les Allemands qui, au début de la campagne, avaient négligé d’employer leur cavalerie à couvrir leur concentration, en tirent meilleur parti dès qu’ils la lancent en avant de leurs armées en marche : « Précédant les corps de bataille à plusieurs journées, écrit un de leurs historiens[1], la 4e division permit à la troisième armée de prendre un ordre de marche large et commode, de s’exonérer de certaines précautions surérogatoires, de certains dispositifs compliqués qui sont nécessaires seulement quand on est en contact immédiat, superflus dans le cas contraire, très fatigans toujours. Grâce à ses deux divisions de cavalerie indépendante, la troisième armée a pu jouir pendant cette période (11 au 22 août 1870), et dans une large mesure, des bienfaits du cantonnement. »

Dans les opérations autour de Metz, les quatre divisions de cavalerie attachées à la deuxième et à la troisième armée leur rendirent les plus signalés services ; explorant la région entre Metz et Verdun.

  1. Von Widdern. Sur l’organisation et le fonctionnement des armées.