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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 août.

Un des traits les plus frappans, les plus caractéristiques de l’état de notre pays depuis quelque temps, c’est la confusion où l’on se débat, dont la plus curieuse, la plus bizarre expression est certainement cette fortune louche et éphémère d’un homme d’aventure.

Au fond, maintenant que tout commence à s’éclaircir, nous serions tentés de croire qu’on a singulièrement exagéré l’importance de celui qui n’est plus pour le moment que le réfugié de Londres. On lui a fait l’honneur de changer les lois du pays uniquement pour le combattre ; on lui a fait l’honneur d’un procès d’état ; on lui a fait enfin l’honneur de le craindre et de le traiter avec colère. Il ne méritait peut-être pas ces attentions particulières, et le mot le plus vrai est encore celui d’un sénateur qui a dit que toute sa force avait été dans la faiblesse du gouvernement et des partis. Tour à tour exalté ou vilipendé par tous les partis qui ont successivement cru voir en lui un auxiliaire ou un instrument utile, M. Boulanger, avec sa présomption frivole, a pu se faire quelque illusion et se prendre au sérieux. Il a pris pour une vocation au pouvoir les mouvemens d’une vanité remuante et ambitieuse, pour une délégation souveraine du peuple les manifestations incohérentes d’une opinion froissée et irritée, toujours prête à se jeter sur le premier venu, sans lui demander ses titres. C’est son histoire, c’est l’histoire de ces personnages fantasmagoriques qui s’élèvent quelquefois à l’improviste et s’éclipsent aussi vite dans les démocraties promptes à s’abuser. Maintenant le personnage a passé comme un météore vulgaire ; il a été condamné et mieux encore, dépouillé de ses oripeaux, mis à nu, réduit à sa plus simple expression. La comédie est finie, on peut le croire ; on peut le soupçonner au vide des manifestes du réfugié de Londres et encore plus à la puérilité de ses désignations de candidats au prochain scrutin, comme s’il se voyait toujours le grand