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vigoureux gouvernement. La confusion intermédiaire fera surgir sans doute des hommes de talent pour former ce gouvernement et pour en exercer l’autorité. » Ne peut-on lire dans ces lignes comme l’annonce de l’empire et de Napoléon ?

Le jour de la mort de Mirabeau, Morris conseille à l’évêque d’Autun de prendre sa place, de prononcer son oraison funèbre et de profiter de l’occasion pour insister surtout sur les services rendus à la fin de sa vie par Mirabeau à la cause de l’ordre et à la cause royale. « Les funérailles de Mirabeau, suivies, dit-on, par plus de cent mille personnes, dans un silence solennel, ont été un spectacle imposant. C’est un grand tribu ! payé à des talens supérieurs, ce n’est pas un encouragement aux actes vertueux. Des vices, à la fois dégradans et détestables, ont marqué cet homme extraordinaire. Complètement prostitué, il a tout sacrifié au caprice du moment. Cupidus alieni, prodigus sui, vénal, éhonté, et pourtant grandement vertueux quand il était poussé par l’impulsion dominante, mais jamais véritablement vertueux, parce qu’il n’était jamais contrôlé par la raison ou par la ferme autorité des principes. J’ai vu cet homme, dans le court espace de deux ans, sifflé, honoré, haï, pleuré. L’enthousiasme lui donne en ce moment les proportions d’un géant : le temps, la réflexion, diminueront sa stature. »

C’est à Londres, où il était allé pour un peu de temps, que Morris apprit la lutte du roi et de la reine. « S’ils réussissent à s’échapper, une guerre est inévitable ; s’ils sont repris, c’en sera fait pour quelque temps de tout gouvernement monarchique en France. » Cette nouvelle hâta son retour à Paris ; on n’y parlait que des détails de l’arrestation du roi. L’assemblée vota presque à l’unanimité l’inviolabilité royale ; mais Morris comprit que monarque et monarchie étaient perdus. Il s’en irrite, il s’emporte contre Louis XVI, il cherche un régent ; mais les frères du roi sont partis, le prince de Condé est émigré, qui composera le conseil de régence ? Paris est en armes, le sang a coulé, Lafayette est traité d’assassin pour avoir proclamé la loi martiale et ordonné le feu contre les émeutiers au Champ de Mars. La scission était faite définitivement entre les constitutionnels et entre les républicains.

Le roi captif alla, le 8 septembre 1791, dans l’assemblée, prêter serment à la constitution ; Morris avait confié à M. de Montmorin un mémoire sur la conduite que le roi avait à tenir et sur le discours qu’il avait à faire à l’assemblée ; M. de Montmorin ne donna le mémoire à Louis XVI qu’après l’acceptation de la constitution. « Vous avez vu, écrit-il à Washington le 30 septembre, que le roi a accepté la nouvelle constitution, et qu’en conséquence il a été remis en liberté. C’est l’opinion générale et presque universelle