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été conclue à des conditions modérées, l’interdit levé, et la cité de Dante était redevenue, écrit Matteo Villani, « le bras droit de l’église. » Aux premiers symptômes du schisme, elle avertit les cardinaux du parricide qu’ils allaient commettre ; elle engagea le pape à nommer au plus vite un sacré-collège italien. En un même jour, il donna la pourpre à vingt prélats, à deux Orsini, à deux Colonna. Il était bien tard : la France, l’Université de Paris, Jeanne de Naples, un grand nombre d’évêques se déclaraient pour Clément VII ; puis, ce fut le tour de la Savoie, de l’Espagne, de l’Ecosse ; déjà l’Occident ne distinguait plus le pape régulier de l’antipape. Désespéré, Urbain appela sainte Catherine, qui vint tranquillement s’asseoir au chevet de l’église romaine. Il la pria de convoquer dans la ville apostolique les plus grands chrétiens de l’Italie : sur un signe de sa main, les saints accoururent du fond de ; leurs solitudes, des forêts de Vallombreuse, des montagnes de Nice ou de Spolète. Elle écrivit aux monastères afin qu’on priât nuit et jour pour l’évêque universel. Elle relevait, dans les consistoires, le courage du pape et celui du sacré-collège. Urbain VI, raffermi par les paroles de cette femme singulière, prit résolument l’offensive. Il acheta à prix d’or un condottiere, Alberigo Barbiano, qui, en avril 1389, battit a Marino les Bretons de Clément VII ; il lui donna, pour orner son triomphe, une bannière où était écrit, en lettres d’or, le cri que poussera plus tard Jules II : « L’Italie délivrée des Barbares. » Il assiégea, dans ce même mois, la forteresse du Saint-Ange, dont les bombardes avaient incendié le Borgo. Son château-fort une fois reconquis, il se rendit au Vatican, pieds nus, à la suite d’une procession, au milieu de tout le peuple. L’antipape se réfugia à Naples, puis à Avignon. Urbain VI était désormais le pape de Rome et de l’Italie. Mais, pareil à presque tous ses prédécesseurs, il n’était le maître à Rome que selon le bon plaisir du peuple. Un jour de sédition, la foule armée envahit le Vatican : Urbain VI se souvint du dernier acte de grandeur de Boniface VIII : il revêtit les habits pontificaux, et la tiare au front, assis sur le trône, il attendit les rebelles et leur dit, comme autrefois le Seigneur aux Juifs : « Qui cherchez-vous ? » Ils s’arrêtèrent, interdits, et se retirèrent silencieusement. Catherine s’employa encore à pacifier les esprits, prêchant au pape l’indulgence et la charité, aux séditieux le repentir, au peuple de Rome l’obéissance. Elle sollicitait les princes du parti de Clément VII, le roi de France, la reine Jeanne, elle encourageait Venise dans la confession d’Urbain VI, elle aidait à l’alliance de Louis de Hongrie et de Charles de Duras, arrière-petit-fils de Charles II d’Anjou, avec le saint-siège. Elle se hâtait ainsi, d’une façon un peu fébrile, se sentant aux prises avec une nécessité historique plus forte que son génie, voyant déjà l’ombre de la mort