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empruntés aux grandes civilisations antiques : le potier d’Athènes et son confrère des Gaules, l’architecte chaldéen, le roi d’Assur dans un char fidèlement reconstitué par M. Heuzey, les fileuses de lin égyptiennes, les émailleurs et les imprimeurs de la Chine, partis les premiers et restés en chemin. L’empereur Fouh-Hi, qui peignait des sentences sages il y a cinq mille ans, est un écrivain tout à fait vénérable sous son manteau de feuillages. A côté de ces jeux de la science, il faut signaler doux œuvres d’un intérêt particulier, qui honorent grandement l’érudition française : la restitution du Parthénon, par M. Chipiez, et dans la salle des missions, à l’étage supérieur, celle de l’Apadanâ d’Artaxerxès, pur M. Dieulafoy.

On avance, on franchit les siècles par sauts un peu brusques, on arrive au grand Art, don d’Hermès Trismégiste. L’alchimiste Maïer, penché sur ses fourneaux, purifie dans une cornue la médecine universelle pour tous les métaux imparfaits. Sur les murs, des signes cabalistiques lui concilient les planètes ; on y voit le serpent Ouroboros et des formules empruntées à la chrysopée de Cléopâtre la Savante. La table ploie sous l’énorme livre, le Theatrum chemicum, auquel ce philosophe va ajouter de précieux commentaires, les Cantilènes intellectuelles du phénix ressuscite. Ne méprisez pas le souffleur Maïer ; de sa cave, nous passons directement dans le laboratoire de Lavoisier, réalité sortant d’un rêve. Voici l’imprimerie plantinienne ; la célèbre maison d’Anvers a prêté la presse de son fondateur, humble aïeule de cette machine Marinoni dont nous regardions l’autre jour l’effrayante mouture. D’autres ateliers, au rez-de-chaussée, et une suite de vitrines sur les terrasses centrales, déroulent sous les yeux du visiteur l’histoire de quelques arts libéraux, dessin, gravure, reliure, orfèvrerie, céramique, verrerie.

L’affiche-réclame a sa place dans ce musée. Le père de Montaigne demandait déjà qu’il y eût un lieu où celui qui avait des perles à vendre pût en prévenir le public. Si j’en juge par le plus ancien spécimen de la collection exposée, l’idée de Montaigne ne trouva sa forme qu’au commencement du XVIIIe siècle. Jusqu’aux dernières années de Louis XIV, nous dit M. Maindron dans son curieux livre, les Affiches illustrées, le monopole de ces publications était réservé aux libraires et aux comédiens. En 1715, un sieur Marius, marchand de parapluies, placarda sur les murs de Paris l’annonce de sa marchandise. Quand on réfléchit aux plus récentes transformations de nos mœurs commerciales et de nos mœurs politiques, on se demande si l’initiative du marchand de parapluies ne fut pas aussi grosse de conséquences que l’invention de la poudre à canon ; l’une et l’autre ont changé les procédés usités jadis pour conquérir le monde. L’histoire de l’imagerie