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dans le fossé. Quatre corps de bâtimens, se coupant en quadrilatère reliaient les tours et formaient une belle masse de pierres ; au milieu, dominant le tout, la lanterne aiguë du donjon.

Les hauts toits en ardoises, les mâchicoulis, les créneaux, les chemins de ronde, les galeries de l’étage supérieur, donnaient quelque légèreté à cette construction massive. Alors que la partie inférieure restait encore épaisse et âpre, le premier étage, plus ajouré, s’ouvrait dans les inquiètes et charmantes hardiesses de la première renaissance française.

Le motif principal du château, en dehors des quatre grosse » tours gardant L’entrée, était le corps de bâtiment donnant sur le jardin. Il était composé de deux grandes et belles salles séparées par un pavillon massif et terminées, l’une et l’autre à leur extrémité par un pavillon d’angle moins important. L’un de ces pavillons renfermait la chapelle. C’est dans l’une des grandes salles, celle du nord, que se tenait habituellement la famille. Non loin de la chapelle, on montrait la chambre où, selon la tradition, était né le futur cardinal.

Les souvenirs que lui avait laissés, l’enfance passée dans ce vieux castel étaient bien vifs et bien émouvans pour lui ; quand, parvenu au comble de la puissance et de la richesse, il eut résolu de faire construire, dans son pays même, un château digne de lui, il ne voulut rien changer ni à l’emplacement ni à la disposition générale de l’édifice. Il imposa à son architecte, Jacques Le Mercier, un plan qui respectait, le plus possible, la forme intérieure de l’ancienne demeure. On dut, sur sa volonté expresse, conserver notamment la chapelle, la grande salle et la chambre qu’habitait sa mère. Ses contemporains lui reprochèrent, même d’avoir gâté la belle ordonnance du plan de Le Mercier ; le sentiment qu’ils considéraient, comme un trait de vanité n’était, en somme, qu’un souvenir touchant.

C’est donc dans cette rude demeure qui, construite à une époque de guerres, retrouvait tout son usage à la fin du XVIe siècle, c’est dans ce vieux château que s’écoulèrent les années d’enfance d’Armand du Plessis.

Dès cette époque, le domaine de Richelieu présentait un luxe réel ; c’était celui des jardins et des plantations. Le pays est fertile et naturellement fleuri. Un beau jardin à la française, où les eaux du Mable étaient aménagées, en bassins, et en jets d’eau, séparait la maison d’habitation des communs. Plus loin, des bois assez bien plantés montaient vers les collines et, s’étendaient jusqu’à Mausson, jusqu’à Braye.

Braye était la paroisse du château de Richelieu. Le vieux clocher de pierre du modeste village émergeait du bois à quelque cent