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subsistait plus, dans l’été de 1794, que vingt et un émissaires, la plupart dans le dénûment et dans l’inaction. Leurs traitemens étaient portés en compte pour 123,000livres ; mais les agens ne touchaient que des acomptes, à force de doléances ; presque tous se plaignaient d’être aux abois. Les quatre principaux, Rivalz à Baie, Probst à Nuremberg, Schweitzer dans les Grisons, Venet à Lausanne correspondaient avec Barthélémy. Leurs renseignemens étaient aussitôt résumés et appropriés pour les opérations militaires. En politique, faute d’instructions et faute de relations, ils ne faisaient rien. Il y avait à Londres un agent, Duckett, qui publia des lettres de Junius redivirus à la fin de 1794. Il aurait pu servir utilement. Mais, dit une note de l’an IV : « Le gouvernement d’alors ne stimula en aucune manière le zèle, le courage et le devoûment de D… Il fut, comme tant d’autres agens, abandonné à lui-même, sans direction. » lui dehors de ces cinq correspondans, sur les seize autres, cinq n’écrivaient plus, le plus intelligent, le Grec Stamaty, se déclarait réduit à l’impuissance, trois avaient disparu, un fut rappelé, deux s’occupaient d’histoire naturelle, deux, Chépy et Dalgas, faisaient de la police à l’intérieur ou aux années. « Ces divers agens, dit un rapport de l’automne de 1794 sur l’ensemble des missions secrètes, sont partis sans une instruction. Le comité ne fait jamais aucune réponse à leurs lettres… » « Les cartons du comité de salut public, section politique, étaient remplis de pièces et de rapports auxquels on ne songeait même pas à répondre. » « Nos tyrans, dit un autre rapport, étaient bien plus occupés des moyens d’appesantir sur nous leur joug de fer que d’opérer au Nord et au Midi une diversion qui eût pu nous être avantageuse. »

Il convient de faire une exception qui est significative. Le comité de Robespierre ne paraît s’être attaché qu’à une de ces diversions : elle consistait à conquérir l’Italie et à mettre en coupe réglée les richesses de ce pays. Ce projet, qui s’est accompli en 1796, a été souvent signalé comme une déviation du pur génie de la révolution, due à l’influence, toute corse, de Bonaparte. Il est contemporain de la guerre même de la révolution et il est sorti, tout mûr, des carions des affaires étrangères. Bonaparte le reprit à son compte ; il en immortalisa le dessein par ses proclamations, et l’exécution par ses victoires. Kellermann, Cacault, Tilly l’avaient mainte fois suggéré. Caillard écrivait, le 1er avril 1794 : « L’Italie ne peut procurer de grands avantages, hic et nunc, qu’à une armée conquérante. Elle est abondante et riche en moyens bruts, dont le conquérant tirerait dès l’instant bon parti. Que nos armées entrent vite, si elles doivent passer les Alpes, il s’agit d’une belle contrée au premier occupant. Les peuples voient que la coalition