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de la corruption humaine… L’arrêt de mort des tyrans dormait oublié dans les cœurs abattus des timides mortels, nous l’avons mis à exécution. » La Convention avait voté l’impression et la traduction du discours du 17 novembre qui réprouvait la propagande et invitait l’Europe à la paix ; elle vota l’impression et la traduction du discours du 5 décembre, qui ne laissait aux rois, sans distinction de grands ou de petits, que le choix de la victoire ou de la guillotine. Les considérations de Robespierre sur l’équilibre européen n’avaient pas plus de valeur pacifique que ses homélies humanitaires n’en avaient de philanthropique.

Deforgues continua de dresser des plans de négociation et de solliciter des ordres. Ses desseins, comme il le reconnaissait, étaient empreints du machiavélisme le plus pur ; mais, disait-il, il convient de parler aux « monstres qui gouvernent l’Europe… un langage qu’ils puissent entendre. » Il proposait d’entamer des affaires avec tout le monde à la fois et de tromper tout le monde, à l’exception de la Prusse ; encore faudrait-il battre cette puissance pour l’obliger à traiter. On leurrerait l’Autriche en lui offrant la Bavière ; l’Angleterre, en lui offrant les Antilles ; la Sardaigne, en lui offrant le Milanais. Le projet se résumait en ces propositions : Angleterre et Autriche à exterminer, Bourbons d’Espagne à renverser, Hollande à ruiner, Prusse à vaincre, Russie à observer ; Portugal, Italie, Allemagne, à intimider et à contenir ; Suède, Danemark, États-Unis, Gênes, Venise, Genève, Suisse, Porte ottomane, à liguer et à réunir, au moins dans la neutralité. C’était l’appropriation aux circonstances du plan que les bureaux des affaires étrangères ne cessaient de préconiser depuis le commencement de la révolution, dont Dumouriez avait tâché de former un système et que Danton s’était assimilé. Deforgues en fit un exposé le 2 décembre 1793 ; il le renouvela en termes plus pressans, le 24 janvier 1794, mais sans plus de succès.

« A Dieu ne plaise, écrivait le 11 novembre celui des membres du comité qui passait pour le plus enclin à la diplomatie, Hérault, à Dieu ne plaise que nous pensions à entamer aucune négociation avec des despotes stupides et féroces qui ne doivent recevoir de nous que la mort pour toute transaction ; mais, au moins, nous pouvons désirer d’être mieux instruits que nous ne l’avons été jusqu’à présent. » Carnot le réclamait avec insistance pour ses opérations militaires. Le comité revint aux agens secrets, qui étaient la seule combinaison praticable. Barthélémy fut chargé d’organiser ce service de renseignemens et d’en rassembler tous les fils. Il y réussit, non sans de grands efforts, dans l’hiver de 1793-1794, grâce au zèle et aux connaissances militaires de son secrétaire, Bacher, à l’activité de ses correspondans de Suisse, de Rivalz, en particulier. Il y eut