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de sorte qu’Hérode étant mourant et comme déjà on le disait mort, une jeunesse ardente, soulevée par des docteurs fanatiques, abattit l’aigle et le mit en morceaux. Hérode fit brûler vifs les principaux auteurs de cette insulte (Antiq., 17-6).

Tout concourt donc jusqu’ici à rapporter le livre de Daniel au temps d’Hérode. Mais au chapitre XI se présente une difficulté. Comment un écrivain de cette époque a-t-il eu l’idée de remplir tout ce chapitre de l’histoire des rois de Syrie, continuée jusqu’à Antiochus l’Epiphane auquel il s’arrête ? C’est cette circonstance qui a fait admettre généralement par les critiques, depuis Porphyre, que le livre est écrit du temps d’Antiochus. Et on ne comprend pas d’abord quel intérêt ce chapitre pouvait avoir pour des lecteurs du temps d’Hérode. Je crois que l’explication de ce problème doit être cherchée dans cette supposition, qu’en paraissant parler d’Antiochus, l’auteur parle, en effet, d’Hérode lui-même. Antiochus avait été, au IIe siècle, le type de l’ennemi de Dieu. Hérode est un nouvel Antiochus. Comme le premier, il fait la guerre à Jéhova et à ses fidèles : comme lui il livre Jérusalem en proie aux armes des Nations ; il suspend le sacrifice quotidien ; il profane le Temple en y étalant une image. Mais qu’on remarque les premières paroles par lesquelles l’écrivain l’annonce (11-21) : « Alors s’élève un homme méprisé, pour qui la dignité royale n’était pas faite ; mais il vient sournoisement et s’empare du royaume par des intrigues. » Un pareil portrait n’est pas celui du fils d’Antiochus le Grand, et on ne peut y reconnaître que l’usurpateur iduméen. Dans les versets suivans, on trouve des traits pris à l’histoire d’Antiochus, puisque c’est là la fiction adoptée ; mais on en trouve aussi qui n’ont aucun rapport avec cette histoire, comme M. Edouard Reuss l’a fort bien vu, et il semble que c’est encore au temps d’Hérode qu’il faut les placer. « Le charme des femmes » (11-37) peut faire allusion à la destinée tragique de la fameuse Mariamne. Le roi du sud et le roi du nord (11-40) sont peut-être le roi d’Arabie et celui des Parthes ; l’établissement entre la mer et la sainte-montagne (11-48) serait Césarée. Les nouvelles inquiétantes de l’Orient et du nord paraissent être celles qui remplissent le chapitre IX du livre XVI de Josèphe. Enfin le morceau se termine par l’annonce de la mort d’Hérode. L’auteur, qui écrivait probablement sous le fils d’Hérode Archélaüs, pouvait ainsi sans se compromettre satisfaire ses ressentimens.

Après la mort du roi, et après quelque temps de troubles et d’anarchie, le triage se fait entre ceux qui avaient été fidèles à Jéhova et ceux qui ne l’avaient pas été. « Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveillent, les uns