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quatre empires. Ici la quatrième est l’empire romain, la seconde représente à la fois les Mèdes et les Perses. Mais il n’y a pas moyen de ne pas reconnaître Rome dans la quatrième bête, ainsi décrite : « Voici un quatrième animal, terrible, formidable et extrêmement fort ; il avait de grosses dents de fer ; il mangeait, brisait et foulait le reste sous ses pieds ; il était différent de tous les autres d’avant lui » (7-7). Et plus loin : « Il dévorera toute la terre » (7-23).

La quatrième bête portait dix cornes. Ces cornes sont les chefs suprêmes des juifs, les Asmonées, les seuls princes qui comptent aux yeux des juifs à cette époque, depuis que les royaumes de Syrie et d’Egypte n’existent plus. Ils sont exactement au nombre de dix, si on y comprend Judas le Maccabée, que Josèphe compte comme grand-prêtre, quoiqu’il ne paraisse pas l’avoir été (Antiq., 12-10-6). L’écrivain a le droit de les rattacher à l’empire romain, puisque le Premier livre des Maccabées et Josèphe nous les représentent comme s’appuyant sur nome, dès le temps même de Judas (I Macc, 8-1, etc.). On comprend dès lors aisément que la petite corne qui s’élève du milieu des grandes est le parvenu Hérode. Il arrache trois cornes, c’est-à-dire les trois derniers Asmonées. Et c’est alors que la petite corne prend une figure humaine et une bouche insolente.

Son histoire se répète au chapitre VIII, avec des variantes[1] ; il y est dit qu’elle s’étend, c’est-à-dire la puissance d’Hérode, vers le sud, vers l’Orient et vers le beau pays, expression biblique qui signifie la Terre sainte[2]. La suite annonce que ce roi s’attaquera à Jéhova lui-même, qu’il suspendra le sacrifice quotidien, qu’il l’empêchera en assiégeant le Temple avec une armée. Ce roi au dur visage sera fort, mais cette force ne sera pas la sienne, et qu’enfin il sera brisé, mais non par la main d’un homme (8-23-25).

Au chapitre IX est le fameux compte des soixante-dix semaines, très obscur quant à son point de départ, mais où on se retrouve à la fin. Un Oint est retranché : je pense que c’est Hyrcan, dépouillé de sa prêtrise ; un peuple étranger ravage la ville et le sanctuaire. Le sacrifice quotidien est suspendu, et sur l’aile des abominations le dévastateur (9-27). L’aile, c’est le faite du Temple[3]. Le dévastateur, c’est l’aigle, symbole de Rome, la grande dévastatrice. Et il s’agit de l’aigle d’or qu’Hérode avait fait placer sur la principale porte du Temple, ce qui était une abomination aux yeux des fidèles,

  1. On sait que ces deux chapitres ne se font pas suite, et ne sont pas même écrits dans la même langue. Les chapitres II-XII sont en chaldaïque et les chapitres VIII-XII en hébreu (ainsi que le premier).
  2. Genenius, p. 780 bis.
  3. Matthieu l’appelle ainsi en grec, 4-5.