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sous un nom qui les recommandât à l’attention, n’ont pu se conserver que, quand on les a jetées dans un recueil déjà existant. Ce sont des additions de ces deux espèces qui forment les derniers chapitres rassemblés sous le nom d’Isaïe. Le chapitre LX n’est guère qu’une répétition des chapitres LIX et LIV. Aux chapitres LXV et LXVI, le prophète s’indigne contre ceux qui mangent de la viande de porc ; ce trait, dont on ne trouverait l’équivalent dans aucun autre prophète, me paraît d’un âge inférieur religieusement à celui où on se sentait placé jusque-là.

En revanche, il se trouve encore dans ces chapitres tel trait qui rappelle l’accent du Second Isaïe : « C’est toi qui es notre père ; Abraham ne nous connaît pas et Israël ne sait qui nous sommes : notre père, c’est toi, Jehova » (63-16). C’est déjà le Pater noster.

Un verset d’un tout autre caractère se trouve tout à la fin du recueil (66-24) : « Ils sortiront, dit Jehova, et ils verront les corps morts des hommes qui se sont révoltés contre moi ; car leur ver ne meurt pas, et le feu qui les consume ne s’éteint pas. » Il y a là une haine féroce, qui ne peut s’excuser que parce que les juifs soutiraient beaucoup sans doute à l’époque où ils parlaient ainsi. Il est triste que l’évangile ait cru devoir recueillir encore ces paroles et les mettre dans la bouche de Jésus lui-même (Marc, 9-45).

Je parcours maintenant, en cherchant des additions, les autres prophètes. On est tenté d’en reconnaître une dans le Premier Isaïe, aux quatre derniers versets du chapitre XXIII au sujet de Tyr. Il n’est pas impossible, je l’ai dit, de les rapporter au temps du premier Hyrcan ; mais on comprendra encore mieux, si ces quatre versets ont été ajoutés au temps d’Hérode, la révolution qu’ils annoncent. et l’intervalle qu’ils font tout à coup franchir au lecteur. Et ce qui appuie cette conjecture, c’est que les Psaumes, dont la date est aussi, selon toute apparence, celle d’Hérode, reviennent plusieurs fois sur cette conversion de Tyr et des villes qui en dépendent. Voir aussi Zacharie (9-2-7).

Dans Jérémie, je ne vois pas que tel passage attire particulièrement l’attention ; mais on ne peut s’empêcher de remarquer que le nom de juif ou judéen, qui ne se rencontre jamais dans les prophètes du IIe siècle, se présente au contraire souvent dans celui-là, mais seulement dans les derniers chapitres, et pas une seule fois auparavant. Or c’est surtout dans cette dernière partie du livre que Jérémie est donné comme môle île sa personne aux événemens qui aboutissent à la ruine de Jérusalem. Il y a là de quoi donner à réfléchir sur la valeur de ces récits. Voir plus haut mes réflexions sur Zacharie, 8-23.

Mais l’étude des chapitres XXXVIII, XLVIII d’Ezéchiel est