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juifs, qu’ils ont pu associer cette glorification d’eux-mêmes avec cette conscience de leur déchéance.

Le monde entier s’intéresse maintenant à Jérusalem et se met à son service. Les puissans s’emploient à la repeupler. Elle entend ses fils qui reviennent de tous côtés et qui se disent : « La place est trop étroite ici, serre-toi contre moi pour que je puisse me loger. Et tu diras : Qui m’a enfanté tous ceux-là ? .. où étaient-ils ?… Les peuples apportent tes fils dans leurs bras et tes filles sur leurs épaules. Les rois prennent soin de toi, les princesses te servent de nourrices ; la tête humblement baissée, ils se prosternent et lèchent la poussière de tes pieds, et tu sauras que je suis Jéhova (49-20-23). » (Voir encore 54-2.)

Un peu plus loin se trouve le passage fameux où est développée avec une complaisance particulière l’idée que la grandeur d’Israël est sortie de ses humiliations mêmes et de la patience avec laquelle il a souffert : « Voyez, mon serviteur est adroit ; il monte, il s’élève, il grandit. Combien on a été surpris à son sujet ! car son aspect était étrangement misérable, et son visage plus triste à voir qu’aucun visage ! Eh bien ! il émerveille les peuples, et les rois demeurent muets d’étonnement, car ils voient ce dont on n’avait rien dit, ils entendent ce dont personne n’avait parlé. Qui a cru à ce que vous annonciez ? Qui a reconnu le bras de Jéhova ? Voilà qu’il s’élevait devant lui comme une jeune pousse qui germe sur un sol aride ; il n’avait nulle beauté quand nous l’avons vu, nul éclat qui put nous attirer. Méprisé et abandonné des hommes, homme des douleurs, portant la marque de la souffrance, comme quelqu’un dont les visages se détournent, nous le méprisions et ne tenions aucun compte de lui. Mais il a pris sur lui nos plaies ; nos châtimens, c’est lui qui les a supportés. Et nous, nous le considérions comme un malheureux, frappé par la colère divine. Il a été maltraite pour nos péchés, châtié par nos injustices ; la punition est tombée sur lui pour notre salut ; les coups qu’il a reçus ont fait notre guérison. Tous nous errions comme des brebis égarées et qui n’ont point de berger ; nous suivions chacun notre voie ; mais Jéhova a jeté sur lui nos crimes à tous. Il a été inquiété, tourmenté, mais il n’a pas ouvert la bouche, comme le mouton qu’on va égorger, comme la brebis qui reste muette entre les mains qui la tondent. Saisi et condamné, quand il a été retranché de la terre des vivans, qui se l’est expliqué parmi les hommes de cet âge ? Qui a compris que c’est pour les crimes de mon peuple qu’ils sont frappés ? Sa sépulture a été parmi les impies, son tombeau au milieu des rebelles, quoiqu’il n’eût pas fait de violence