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seulement par la nécessité où il était de faire naître l’enfant de la promesse. On sent là encore qu’on approche des temps chrétiens.

Enfin le prophète annonce l’avènement prochain du Seigneur (3-1), qui condamnera l’iniquité et établira la justice. Mais il annonce aussi quelque chose de tout nouveau, et dont il n’est parlé nulle part ailleurs, la venue d’Elie, qui préparera le jour de Jéhova (3-23). Les évangiles témoignent combien cette idée s’était répandue et accréditée à l’époque chrétienne. On se demande si Jean le Baptiste n’était pas Élie (Marc, 9-12). Et qui sait si ce n’est pas en effet la prédication de Jean le Baptiste qui a inspiré ce passage de Malachie ?


J’ai épuisé la liste des prophètes, mais je rappelle qu’au début de ce travail, en parlant du livre qui porte le nom d’Isaïe, j’ai laissé de côté toute une moitié de ce livre, qui commence au chapitre XL, qui diffère sensiblement de la première partie, que tous les critiques s’accordent à reconnaître comme plus récent et qu’on est convenu d’appeler le Second Isaïe : il me faut enfin l’aborder. Quand on plaçait le Premier Isaïe au XIIIe siècle avant notre ère, le rationalisme moderne ne permettait pas de mettre à la même date cette seconde partie, puisqu’on y trouvait le nom de Cyrus. Pour moi, qui crois le Premier Isaïe du IIe siècle, ce n’est pas là ce qui me forcerait de séparer les deux prophéties. Mais dès qu’on passe de l’une à l’autre, on s’aperçoit tout de suite qu’il y a dans la seconde un autre esprit que dans la première, un autre accent, évidemment plus moderne. Et après avoir traversé les discussions qui précèdent, mes lecteurs ne seront pas étonnés de m’entendre dire qu’à mon sens le Second Isaïe est du temps d’Hérode.

Ce n’est pas que cette date puisse s’établir par des argumens aussi multipliés et surtout aussi précis que ceux que m’ont fournis Aggée et Zacharie. Ceux-ci enregistrent, pour ainsi dire, les événemens comme ferait un chroniqueur, en les couvrant à peine par des expressions symboliques ; mais on peut suivre ces événemens dans leurs livres aussi facilement que dans Josèphe. Le Second Isaïe est un poète plein de sensibilité et d’imagination, et qui se laisse aller à nous émouvoir plus qu’il ne s’occupe de nous renseigner. Cependant, je trouve encore chez lui assez de témoignages pour n’avoir pas de doutes sur le temps où il a écrit.

Les premiers chapitres, XL à XLIV, peignent surtout la situation générale d’Israël. Israël vient de souffrir plus qu’il n’a jamais souffert, mais tout à coup il est sauvé, sauvé par son dieu. Et cela est présenté comme un miracle absolument extraordinaire, et que le monde ne pouvait attendre. Et, en effet, jamais les Juifs, depuis les grands Asmonées, n’étaient tombés à un tel degré d’humiliation et de misère. Déchirée par l’anarchie, puis investie par les