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mais ne cherchant à devancer personne dans des voies inexplorées et peut-être dangereuses.

Montée par un personnel qui n’a rien perdu de sa valeur depuis 1806, et qui se souvient de la glorieuse journée de Lissa plus qu’il conviendrait peut-être à une marine engagée dans les liens de la triple alliance, la flotte de combat autrichienne se compose de 7 cuirassés d’escadre, de 3 cuirassés à faible déplacement qui ne pourraient jouer que le rôle de gardes-côtes, et d’un bon nombre d’éclaireurs rapides qui ont fait leurs preuves, l’an dernier, dans la traversée de Pola à Barcelone.

Récapitulons maintenant les forces maritimes des trois puissances et ne comptons d’abord, pour simplifier, que les cuirassés capables de figurer avec honneur dans un combat d’escadre, livré en haute mer : l’Allemagne nous en présente 10, l’Italie 8, l’Autriche 7, en tout 25. Nous, en éliminant de notre « ordre de bataille, » comme nous venons de le faire pour nos voisins, les navires que l’ancienneté de leur construction ou les exigences particulières de leur type retiendraient sur nos côtes, nous trouvons un total de 26 cuirassés d’escadre.

Si, après une première bataille, par exemple, nous voulions faire appel à toutes nos forces, nous pourrions disposer de 10 à 12 cuirassés anciens ou gardes-côtes ; mais nos adversaires, à leur tour, nous en présenteraient 13. On le voit, les forces se balancent…

A la vérité, si nous n’y prenions garde, il n’en serait plus de même dans quatre ans : 9 cuirassés nouveaux (sans parler des 10 gardes-côtes du canal allemand), auxquels nous n’en pourrions opposer que 5, rompraient déjà l’équilibre à notre détriment. Aussi, tenant compte des difficultés de notre situation intérieure et de l’intérêt des économies, est-il juste d’applaudir à la courageuse initiative du ministre de la marine, qui vient de signaler au parlement la nécessité de faire un sérieux effort en faveur de notre marine.

Soyons assurés que la vigilance des pouvoirs publics maintiendra nos forces navales au niveau de celles qu’elles peuvent un jour avoir à combattre. Mais comptons aussi sur les élémens de faiblesse inhérens à toute coalition maritime : comptons sur le défaut de simultanéité dans les préparatifs, résultat de la différence des institutions, sur la diversité des moyens mis en jeu, sur la divergence des objectifs poursuivis : il y a un peu plus d’un siècle, quand nous unissions contre l’Angleterre nos flottes avec celles de l’Espagne, le cabinet de Madrid, peu préoccupé de l’intérêt général, ne visait qu’à reprendre Gibraltar et Minorque ; ni ses hommes d’Etat ni ses marins ne voulaient comprendre que c’était