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quelques navires très puissans toutes les facultés offensives et défensives que l’on dissémine d’ordinaire sur des types très distincts. Ce programme conduisait à la construction de navires d’un très grand déplacement, et c’est là, en effet, le caractère frappant de la nouvelle flotte italienne : malheureusement, les grands déplacemens entraînent avec eux les grands tirans d’eau ; ils excluent volontiers les qualités évolutives, et, quand on veut les combiner avec des vitesses de 17 et de 18 nœuds, comme celles dont on a théoriquement doté l’Italia et le Lepanto, il faut employer des chaudières à très haute pression dont la solidité et la durée sont fort problématiques, et donner aux appareils mécaniques un développement peu en rapport avec le nombre et l’expérience des mécaniciens d’une jeune marine.

Aussi peut-on se demander si le défaut d’une exacte corrélation entre la complication du matériel et l’habileté du personnel n’est pas le trait saillant de la flotte italienne, et si l’on n’a pas compromis pour longtemps cet équilibre en voulant faire à la fois trop grand et trop vite.

Nous ne prétendons pas en décider : disons seulement que les dix cuirassés neufs qui formeraient la première ligne de l’armée navale italienne seraient en état de figurer avantageusement dans la plus puissante flotte du monde, et que l’Angleterre, en effet, les envie à la nouvelle venue des nations maritimes. — Derrière ces superbes navires viendraient se ranger huit cuirassés anciens d’une médiocre valeur, des cuirassés de réserve, dont quelques-uns, refondus, il est vrai, ont vu la bataille du 20 juillet 1866.

Notons aussi sept grands croiseurs protégés qui pourraient, à la fin d’une bataille navale, tenir tête à des cuirassés épuisés par la lutte et couverts de blessures, et que, d’ailleurs, leurs très belles vitesses soustrairont toujours à des périls trop pressans,.. mais ces vitesses d’essais se maintiendront-elles en service courant, lorsque disparaîtront les chauffeurs spéciaux des maisons anglaises qui fournissent les machines, lorsqu’on se trouvera aux prises avec les difficultés, avec les exigences imprévues de la navigation pratique ?

Je ne mentionne que pour mémoire une très belle flotte légère de croiseurs, d’avisos torpilleurs et de torpilleurs de haute mer.

Tout au contraire de son ambitieuse voisine, l’Autriche ne s’est pas laissé entraîner sur la pente glissante des augmentations de déplacement : n’ayant que des ressources très limitées à consacrer à sa marine, elle a donné la préférence aux cuirassés maniables sur les cuirassés géans, aux canons solides sur les canons monstres, aux machines robustes sur les machines brillantes, s’attachant à faire profiter ses engins de tous les progrès réellement acquis,