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« Art. 5. — Les ouvrages seront examinés par un jury composé des présidens et des secrétaires perpétuels de chacune des quatre classes de l’Institut.

« Art. 8. — Chaque classe fera une critique raisonnée des ouvrages qui ont balancé les suffrages, de ceux qui ont été jugés dignes d’approcher du prix, et qui ont reçu une mention spécialement honorable.

« Art. 12. — La première distribution des prix aura lieu le 9 novembre 1810, jour anniversaire du 18 brumaire. Les distributions se renouvelleront ensuite tous les dix ans à la même époque de l’année.

« Art. 13. — Elles seront faites par nous, en notre palais des Tuileries où seront appelés les princes, nos ministres et nos grands officiers ; des députations des grands corps de l’Etat, le grand-maître et le conseil de l’université impériale et l’Institut en corps… »

La fondation des prix décennaux, à laquelle Napoléon prétendait donner le caractère d’une institution durable, ne fut en réalité dans l’histoire de son règne qu’une tentative éphémère. Non-seulement le concours ouvert en 1809 ne fut jamais renouvelé, mais, après le jugement rendu en 1810, cette « première distribution des prix, « si solennellement annoncée, n’eut pas lieu. Tout se borna aux rapports présentés, au nom des diverses classes de l’Institut, par les membres qui composaient le jury, et dont la tâche avait été dans certains cas d’autant plus délicate que les travaux des concurrens se montraient moins conformes à la lettre, à l’esprit même des conditions prescrites. Ainsi la classe de la langue et de la littérature françaises avait été chargée de décerner un des premiers grands prix « à l’auteur du meilleur poème épique publié en France depuis dix ans. » Comment eût-elle pu de ce côté remplir à souhait sa mission, alors qu’elle se trouvait réduite à l’obligation de prendre, faute de mieux, pour objets d’examen trois œuvres à peine remarquées au moment où elles parurent, bien oubliées sans doute aujourd’hui. — Charles Martel ou la France délivrée des Sarrasins, par M. de Saint-Marcel, Oreste par M. Dumesnil et la Bataille d’Hastings ou l’Angleterre conquise par M. Dorion ? Aussi, pour sortir d’embarras, le jury, estimant « qu’une excellente traduction en vers était l’ouvrage de poésie qui approchait le plus du genre de talent et de l’étendue de travail qu’exigeait l’épopée, » proposait-il tout uniment d’attribuer aux traductions, publiées par Delille, de l’Enéide et du Paradis perdu, la récompense promise « au meilleur poème épique. »

La classe des beaux-arts heureusement n’avait pas eu besoin de recourir à ces subterfuges ou, si l’on veut, à ces interprétations un peu libres, pour répartir entre les plus dignes les hautes récompenses