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justifier le choix qu’on pourrait faire d’eux à titre d’artistes ? Aussi, en ce qui concerne la quatrième classe, l’article de l’arrêté de 1803 qui lui permettait d’emprunter aux autres classes de l’Institut jusqu’à six membres pour les faire entrer dans ses sections, demeura-t-il en tout temps et en toute occasion comme non avenu. Sauf quelques-uns de ses secrétaires perpétuels ou de ses académiciens libres[1], aucun membre de cette quatrième classe, aussi bien avant qu’après l’époque où elle fut reçu le nom d’Académie des Beaux-Arts, ne fut choisi ailleurs que parmi des candidats étrangers jusqu’alors à l’Institut et dans les rangs des artistes proprement dits.

En outre, la faculté laissée aux différentes classes de se compléter ainsi par l’élection de trente-trois membres appartenant déjà à l’Institut, — ce qui en réalité pouvait réduire à cent trente-huit le nombre des membres fixé à cent soixante et onze pour l’ensemble du corps, — cette sorte d’invitation officielle au cumul ne risquait-elle pas d’apporter un grave préjudice aux intérêts des candidats du dehors et, à l’intérieur, de compromettre sinon de démentir les principes d’égalité qu’on s’était appliqué à faire prévaloir ? Ne semblait-on pas par là tendre à introduire le régime de la faveur, du privilège tout au moins, dans une assemblée composée d’hommes réputés dignes des mêmes honneurs, investis des mêmes droits, classés par leurs pairs au même rang, et entre lesquels, au point de vue de leur valeur relative, il ne devait appartenir qu’à l’opinion publique d’établir des comparaisons et de relever des différences ? Les fondateurs de l’Institut avaient apparemment pressenti le danger, puisqu’un des articles de la loi de 1795[2] déclarait « qu’aucun membre de l’Institut ne pourrait faire partie de deux classes différentes. » En levant cette interdiction, le législateur de 1803 commettait une imprudence que devait aggraver encore, treize ans plus tard, l’ordonnance par laquelle Louis XVIII décidait que « les membres de chaque académie pourraient être élus aux trois autres académies. »

On ne s’est pas fait faute depuis lors de profiter de la latitude, et, aujourd’hui moins que jamais, la jurisprudence admise sur ce point ne paraît près de tomber en désuétude. L’Académie française à l’heure présente compte onze membres, — plus

  1. Des six secrétaires perpétuels que l’Académie des beaux-arts a eus jusqu’à ce jour, quatre ont appartenu à l’Académie des inscriptions ; les deux autres ont été pris dans le sein de l’Académie même. Quant aux académiciens libres, depuis 1816, c’est-à-dire depuis l’époque où ils furent institués, quatre d’entre eux, — le comte de Choiseul-Gouffier, le duc de Richelieu, Charles Blanc et M. le duc d’Aumale, — ont fait partie à la fois de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie française.
  2. Titre IV, art. 4.