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de la probabilité à la certitude, ont pu suivre les propositions dont on a fait la base de sa vie.

Une chose absolument hors de doute, c’est que, dans l’univers accessible à notre expérience, on n’observe et on n’a jamais observé aucun fait passager provenant d’une volonté ni de volontés supérieures à celle de l’homme. La constitution générale du monde est remplie d’intentions, au moins apparentes ; mais dans les faits de détail, rien d’intentionnel. Ce qu’on attribue aux anges, aux daimones, aux dieux particuliers, provinciaux, planétaires, ou même à un Dieu unique agissant par des volontés particulières, n’a aucune réalité. De notre temps, rien de ce genre ne se laisse constater. Des textes écrits, si on les prenait au sérieux, feraient croire que de tels faits se sont passés autrefois ; mais la critique historique montre le peu de crédibilité de pareilles narrations. Si le régime des volontés particulières avait été, à une époque quelconque, la loi du monde, on verrait quelque reste, quoique arrachement d’un tel régime dans l’état actuel. Or l’état actuel ne présente aucune trace d’une action venant du dehors. L’état que nous avons devant nous est le résultat d’un développement dont nous ne voyons pas le commencement ; dans les innombrables mailles de cette chaîne, nous ne découvrons pas un seul acte libre, avant l’apparition de l’homme ou, si l’on veut, des êtres vivans. Depuis l’apparition de l’homme, il y a eu une cause libre qui a usé des forces de la nature pour des fins voulues ; mais cette cause émane elle-même de la nature ; c’est la nature se retrouvant, arrivant à la conscience. Ce qui ne s’est jamais vu, c’est l’intervention d’un agent supérieur pour corriger ou diriger les forces aveugles, éclairer ou améliorer l’homme, empêcher un affreux malheur, prévenir une injustice, préparer les voies à l’exécution d’un plan donné. Le caractère de précision absolue du monde que nous appelons matériel suffirait à éloigner l’idée d’intention ; l’intentionnel se trahissant presque toujours par le manque de géométrie et l’à-peu-près.

Ce que nous venons de dire s’applique avec une certitude en quelque sorte expérimentale à la planète Terre, dont l’histoire nous est assez bien connue pour qu’une grosse particularité de son régime ne puisse nous échapper. Nous pouvons l’appliquer sans hésitation au soleil et au système solaire tout entier, qui ne forment avec nous qu’un seul petit cosmos. Nous pouvons même l’appliquer à tout le système sidéral qui se révèle aux habitans de la terre grâce à la transparence de l’air et de l’espace[1]. Malgré les distances

  1. C’est là ce que, dans tout ce morceau, j’appellerai univers.