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défaillances ; si l'on demande à la dynamo un travail au-dessus de ses moyens, elle le donne, mais elle marque ensuite sa lassitude ; on la croirait douce d'intelligence, car elle mesure d'elle-même son effort aux dépenses variables que les circonstances exigent. En cas de danger subit, s'il faut, par exemple, réagir sur le moteur à vapeur qui l'actionne pour arrêter net ce dernier, elle développera durant quelques instans une puissance double, triple de celle que le constructeur a prévue, sauf à s'affaisser ensuite ; tout comme l'être humain en pareille occurrence. Je signalais plus haut la dynamo de 500 chevaux de force, construite par M. Hillairet pour M. Marcel Deprez ; elle reçoit son mouvement du géant voisin, le grand moteur à vapeur de M. Farcot, qui peut développer jusqu'à 1,500 chevaux. Supposons, — l'expérience a été faite ailleurs, — un accident survenant au moteur ; la dynamo retournera contre ce dernier la force qu'elle en tirait, et son énergie soudainement accrue suffira à enrayer l'énorme volant. Une comparaison tirée d'idées plus familières, et pourtant rigoureusement exacte, fera mieux comprendre l'opération : imaginez le choc d'un régiment de cavalerie neutralisant le choc adverse de trois régimens.

Pour beaucoup d'usages industriels, la dynamo s'est déjà interposée entre le moteur à vapeur et l'outil spécial du métier. Elle fait manœuvrer des treuils, des cabestans, des marteaux-pilons, des machines à river, à perforer. L'électricité soude les métaux, elle pousse sur nos têtes les ponts roulans ; ici elle actionne des wagonnets, là elle fait tourner l'hélice d'un bateau. Je ne rappelle que pour mémoire ses applications à l'acoustique, le téléphone, le phonographe, les appareils déjà populaires qu'on voit fonctionner dans l'exposition de M. Edison. Elle travaille partout dans la galerie ; et elle s'en échappe pour aller travailler au loin. Depuis les essais de M. Marcel Deprez, les recherches pratiques des électriciens ont pour principal objet k transmission du travail mécanique à distance. On en voit ici un exemple. Une dynamo transmet à sa sœur jumelle, placée dans la section agricole du quai d'Orsay, à un kilomètre et demi du palais, la force que cette dernière distribue aux machines de l'agriculture. Dans ce petit trajet, la perte d'énergie est presque nulle, 6 à 7 pour 100. — Nous allons là-bas « recevoir la force » que nous avions vu accumuler dans la galerie. Elle bat et vanne le blé, dans les engins qui simulent à vide les travaux des champs. Ils consomment une très faible quantité de travail. Mais voici qu'on commence à débiter des madriers dans une scierie mécanique, au pont de l'Alma ; du coup la consommation de force est doublée ; cependant il n'a pas été nécessaire de demander au bout du Champ de Mars un envoi