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responsabilité. Le gouverneur agit sous les yeux de tous ; il sait que c’est à lui seul qu’on demandera compte des résolutions qu’il aura prises ; tandis que les décisions des chambres, étant l’œuvre d’une majorité collective, échappent souvent au jugement de l’opinion publique.

Le second changement à noter est celui qui consiste à faire intervenir directement le peuple dans la confection des lois. On est arrivé à ce but de plusieurs façons, et tout d’abord d’après une méthode spécialement anglaise et que l’on appelle local option, « l’option locale, » c’est-à-dire qu’on délègue aux habitans des divers districts le droit de décider s’ils y admettent l’application de certaines lois. C’est là un excellent système, premièrement parce que la situation différente de chaque circonscription n’admet pas l’application d’une règle uniforme ; secondement, parce que certaines mesures ne sont vraiment efficaces que si elles sont appuyées par l’opinion publique. Dans les pays qui ont subi l’influence de la Révolution française et de l’Empire, on veut que des règlemens identiques soient mis en vigueur partout, dans un hameau de cent habitans comme dans une ville qui en compte des centaines de mille, au Nord comme au Midi, dans les cantons les plus arriérés comme dans les plus avancés. Voici des exemples du système de « l’option locale. » La loi sur l’enseignement primaire en Angleterre n’a pas édicté renseignement obligatoire pour tout le pays : il appartient à chaque localité de décider si elle veut avoir un comité scolaire (School Board) et si elle entend imposer aux parens le devoir d’envoyer leurs enfans à l’école. S’agit-il de créer une bibliothèque communale (free library) et de lever à cet effet un impôt spécial, la question est soumise aux votes des habitans ; et récemment, à Glascow, le projet d’en fonder une a été repoussé par 28,946 non contre 22,755 oui. Accordera-t-on dans un certain district des licences pour la vente des boissons alcooliques, la majorité des électeurs aura à le décider. Aux États-Unis, on a soumis ainsi au vote populaire la question de savoir, ici, si l’enseignement sera entièrement gratuit, et il l’est devenu, en effet, dans la plupart des états ; ailleurs, si le débit des spiritueux sera oui ou non interdit ; dans l’état de New-York, si les objets fabriqués par les détenus dans les prisons seront vendus en concurrence avec l’industrie privée.

J’ai montré ici même[1] que le régime plébiscitaire a été successivement introduit dans tous les cantons suisses, sauf dans celui de Fribourg : toutes les lois, tous les règlemens d’ordre général et

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1886.