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obligeamment, que j’honore votre vertu et fais état de votre amitié, comme je vous conjure de vous assurer de la mienne. »

Pour obtenir de pareilles protestations de la part d’un homme si hautain, il fallait que Richelieu fût décidément devenu quelque chose dans la province.

Les amis, en effet, ne s’endormaient pas. Le 3 juillet 1614, La Rocheposay, au fort de la querelle contre le prince de Condé, lui écrivait une lettre qui établit l’entente, en vue de l’élection : « Monsieur, je lis hier réponse à M. de Sully et le priai de me mander le jour auquel il désiroit que se fît l’assemblée pour l’élection des députés, parce qu’il ne me l’avoit pas spécifié. Toutes les affaires sont en bon état, ajoutoit l’évêque de Poitiers, tant au dedans qu’au dehors, de sorte qu’on ne peut espérer que bien, la reine ayant offert à M. le prince toute satisfaction en justice. Vous m’obligez trop d’avoir souvenance de moi et de me plaindre de mes peines ; j’y suis tellement accoutumé depuis cinq mois, que je ne les ressens comme point, ayant aussi la résolution de ne rien appréhender en m’acquittant de mon : devoir. »

Un mois après, à la veille même de l’élection, il prenait ses dernières mesures avec Richelieu et lui indiquait comment il avait aplani toutes les difficultés : « Je vous envoie M. le prieur de Sainte-Radegonde pour vous dire l’ordre que nous mettons ici pour l’assemblée du clergé et savoir de vous celui que vous avez apporté à votre diocèse. Ceux de Maillezais sont avertis de se trouver ici. On ne nommera qu’un député, parce que celui duquel je vous avois parlé ne peut accepter la charge, à cause de son âge, de sorte que vous serez seul, ce qui sera bien à propos pour beaucoup de raisons… »

Le lendemain, 10 août, les cloches sonnèrent dans chaque paroisse et les habitans députèrent quelques-uns d’entre eux pour aller à Poitiers procéder à l’élection.

Le terrain, comme on le voit, était bien préparé. La candidature de Richelieu était seule présentée. Ce jour même, pour apaiser les dernières inquiétudes de l’évêque de Poitiers, la reine régente avait signé le pouvoir de MM. Mangot et Mazuier, chargés de rétablir l’ordre et le calme dans les esprits.

Le mardi 12, la réunion, des électeurs du tiers-état eut lieu au palais, par-devant, l’assesseur, en l’absence du lieutenant-général ; celle du clergé eut lieu en la salle de l’évêché ; celle de la noblesse en la salle de l’audience du palais. Cette première réunion avait pour objet une entente préalable tant sur le choit des candidats que sur la rédaction des cahiers.

Dès le 19, l’élection de Richelieu était assurée. Duvergier de