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Un habile homme peut tirer un excellent parti de cette situation difficile. Dans un pareil temps, les dévoûmens sont précieux. Le tout est de se faire valoir, de se faire aimer ou craindre ; pour cela, le séjour dans une province agitée est extrêmement favorable.

C’est vers cette date, que se dessine nettement la première partie de la carrière politique de Richelieu. Il ne s’agit nullement alors de grandes conceptions ou d’actions politiques étendues. Il ne s’agit pas de savoir ce que l’on fera quand on sera au pouvoir, mais seulement des meilleurs moyens d’y parvenir. Tout ambitieux porte en lui la conviction que les affaires ne peuvent prospérer que par lui. Il se donne d’abord pour tâche d’en saisir la direction ; c’est la première partie de sa carrière, et c’est par là aussi que ses qualités se révèlent. Les actes viennent ensuite et distinguent, selon le succès, l’orgueil légitime de la folle présomption.

Richelieu profite de son caractère ecclésiastique ; il se souvient de son voyage à Rome, envoie dans cette cour un émissaire qui traite, parait-il, « de grandes choses, » affiche, vers cette époque ; des sentimens ultramontains. La cabale qui est aux affaires est catholique, jésuite, papiste, espagnole. Le futur adversaire de la maison d’Espagne, le futur allié de Gustave-Adolphe, le futur chef des « politiques, » s’y enrôle sans hésiter.

Dans le Poitou, il prend nettement position. La correspondance qu’il entretient avec M. Phelypeaux et avec M. de Vic le montre de plus en plus engagé dans le parti. Il écrit que « c’est cracher contre le ciel que de vouloir heurter l’autorité du roi et de la reine. » Bouthillier, son fidèle doyen, a l’ordre de l’instruire des menus faits de la cour et de ne pas perdre de vue le père Cotton, le cardinal Du Perron, les favoris.

Richelieu fait un nouveau voyage à Paris, sur la fin de 1613. Il prend langue, à cette date, avec Concini. Celui-ci, précisément, semble menacé d’une disgrâce. Tous les princes ont quitté la cour. La guerre civile est en perspective.

C’est le moment choisi par Richelieu, qui, au fond, ne faisait nul cas de cet Italien, pour adresser à celui-ci une lettre pleine de protestations : « Monsieur, honorant toujours ceux à qui j’ai une fois voué du service, je vous écris cette lettre pour vous en continuer les assurances ; car j’aime mieux vous témoigner la vérité de mon affection aux occasions importantes que de vous en offrir, hors le temps, les seules apparences… Je vous supplierai seulement de croire que mes promesses seront toujours suivies de bons effets et pendant que vous me ferez l’honneur de m’aimer, que je vous saurai toujours très dignement servir… »