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deux Poitevins, avaient combattu pour la cause royale ; tous deux, ils avaient été parmi les féaux serviteurs de Henri III, en Pologne ; tous deux, ils avaient servi la même cause dans leur province.

L’amitié des deux pères créa l’amitié des deux fils. En 1008, l’année même où Richelieu devenait évêque de Luçon, La Rocheposay était désigné pour l’évêché de Poitiers. Il coiffa la mitre en 1611.

Au début, il avait, moins encore peut-être que Richelieu, la vocation ecclésiastique. C’était un tempérament vif sous les aspects de la froideur, un esprit très ouvert, un cœur très ferme et très vaillant. Les évêques de cette époque n’ont rien de bénisseur : lui moins que tout autre. Sa ronde figure au regard jeunet, telle que nous la montre un portrait conservé dans la salle capitulaire de l’église de Poitiers, est charmante. Mais ce regard presque enfantin a de la fermeté et la bouche, à la moue épaisse, respire la résolution. C’est la ressemblance frappante du père, le combattant des guerres de religion.

Le fils était, lui aussi, un homme d’action. Il aimait la discussion, la lutte et même la bataille. Son rôle à Poitiers, durant la régence de Marie de Médicis, fut tout de combat. « Arrivé à Poitiers en 1612, au milieu de la lutte des partis, il voulut prendre part au gouvernement de la ville, disant qu’il était d’assez bonne maison pour cela, alléguant les devoirs de sa charge, la tranquillité publique, la loi suprême de la nécessité. » C’est lui qui fit assassiner, sans autre forme de procès, un certain Latrie, envoyé par M. le prince, à Poitiers, durant l’époque des troubles. Il allait « cuirassé et la pique à la main, assisté de douze cavaliers avec le pistolet à l’arçon de la selle, et quelque quarante hommes à pied, ayant chacun la carabine sous le manteau et conduits par le sergent de la compagnie, l’abbé de Notre-Dame. »

C’était, comme on le voit, un fier évêque. Il était fait pour s’entendre aussi bien avec Richelieu qu’avec Duvergier de Hauranne.

Il prit, en effet, celui-ci pour son grand-vicaire, le nomma chanoine de son église et le désigna pour l’abbaye de Saint-Cyran.

En revanche, c’est pour défendre la conduite de son évêque que le futur chef du jansénisme français écrivit l’opuscule célèbre : Contre ceux qui disent qu’il est défendu aux ecclésiastiques de porter les armes en cas de nécessité.

Des relations d’amitié très étroites et très actives se nouèrent entre les deux évêchés voisins de Poitiers et de Luçon. Routhillier, abbé de la Cochère, doyen de Luçon, servit de trait d’union. C’est une figure plus effacée. Adroit, souple, insinuant, il est le