Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/561

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette musique, ou, si on veut, cette poésie (mais il est probable qu’elle était soutenue en effet d’une espèce de chant), nous en sentons encore aujourd’hui la puissance, quoique nous n’entendions pas l’hébreu et que nous ne soyons plus au temps où Jéhova disait au prophète : « Je ne t’adresse pas à un peuple qui parle en mots inintelligibles et dans une langue obscure, mais à la maison d’Israël (3-5). » Nous admirons encore le tableau du champ des ossemens (37-1) : « La main de Jéhova fut sur moi, et, emporté par l’esprit de Jéhova, elle me jeta au milieu d’une vallée pleine d’ossemens. Il y en avait sur toute la surface, et ils étaient absolument desséchés. Il me dit : Fils d’homme, ces os que tu vois peuvent-ils revivre ? Et je dis : Seigneur Jéhova, toi seul le sais. Et il me dit : Prophète, crie et fais appel à ces os ; dis-leur : Os desséchées, écoutez la parole de Jéhova… Alors je criai, ainsi qu’il m’avait été ordonné,.. et il y eut un bruit et une secousse,.. et les os se rapprochèrent, un os de celui qui le touchait, et je vis qu’il y eut des tendons et que la chair se reforma, et sur la chair s’étendit la peau : mais le souffle de vie n’y était pas. Et il me dit : Prophète, crie et fais appel au souffle de vie, et dis : Ainsi dit Jéhova : souffle de vie. Viens des quatre vents, et souffle sur ces morts pour qu’ils revivent. Et je criai, et le souffle de vie vint sur eux, et ils revécurent, et ils furent debout sur leurs pieds, et ce fut une grande, grande multitude. Et il me dit : Fils d’homme, ces os, c’est toute la maison d’Israël. Ils disent : Nos os sont desséchés, notre espérance est anéantie ; nous sommes disparus ; c’est fini pour nous. Prophète, crie et dis-leur : Ainsi dit le Seigneur Jéhova : Voici que je vais ouvrir vos tombeaux et que je vais vous faire sortir de vos tombeaux, et vous faire rentrer dans la terre d’Israël. »

Isaïe avait eu déjà l’idée de figurer par l’image d’une résurrection ce relèvement d’un peuple qui était comme mort. Il dit à Jéhova : « Tes morts à toi revivent, tes cadavres se relèvent, Réveillez-vous avec des cris de joie, car sa rosée est celle qui ravive l’herbe flétrie (26-19). » Mais l’image est devenue toute une scène, et de quel effet ! Il me semble que, de la distance où nous sommes, nous voyons et nous entendons la foule émue et l’enthousiasme avec lequel a été accueilli un tel morceau.

Mais si je me laissais entraîner, que de pages je pourrais citer encore ! Il vaut mieux être sobre sur des textes que je ne puis lire que traduits. Tout le monde sait d’ailleurs la majesté d’Isaïe, le pathétique de Jérémie, la vigueur et l’emportement d’Ézéchiel, ses crudités même, et ces peintures d’une audacieuse impudeur, qui pourtant n’impriment pas de taches admirables pour rendre ce qu’on peut appeler en effet les prostitutions de l’âme, la