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montrent qu’Antiochus était à Tyr à la veille de sa seconde expédition contre l’Égypte, mais on ne nous dit pas ce qu’il y faisait.

Après sa peinture de la ruine de Tyr, Isaïe ajoute tout à coup que la grande ville reste dans l’ombre pendant soixante-dix ans, chiffre qui, en hébreu, n’a rien de précis et exprime seulement un long intervalle. Au bout de ce temps, Tyr recommence à faire parler d’elle, ayant retrouvé sans doute son indépendance par suite de l’abaissement de la puissance des Syriens. Mais l’argent que lui rapporte son commerce, elle le consacre à Jéhova et pourvoit par ses dons à la nourriture et à l’habillement de ses piètres (Isaïe, 23-18). On peut supposer qu’on vit cela au temps d’Hyrcan, lorsque la fortune miraculeuse des Juifs ayant pour ainsi dire consacré leur dieu aux yeux des peuples voisins, ceux-ci lui apportèrent leurs hommages au Temple de Jérusalem.

Au sujet de la prophétie d’Ézéchiel sur l’Égypte, je n’aurais qu’à répéter ce que j’ai dit de celles d’Isaïe et de Jérémie[1], y compris la remarque sur le nom de No, traduit par Alexandrie dans la Vulgute. Et à ce propos, il faut remarquer aussi que dans Ézéchiel la Vulgate traduit par Adonis le nom du dieu Thammouz, dont les femmes font le deuil (8-14). C’est en effet un dieu nouveau, comme la Reine du ciel. Enfui, la manière dont Ézéchiel lui-même explique aux Juifs, en se nommant par son nom, comment certains actes qu’il fait devant eux sont symboliques (24-24), a encore quelque chose de suspect.

Il y a deux manières de se renseigner sur l’âge des prophètes : l’une est de rechercher sous l’impression de quel événement, et par conséquent à quelle date tel passage a été écrit ; l’autre est de considérer dans son ensemble l’esprit qui règne dans un livre. La première, là où on peut la pratiquer, est plus précise ; mais quelquefois les données manquent ou sont obscures, et la critique éprouve quelque embarras, comme on l’a vu en certains passages. La seconde peut toujours être employée, et elle suffit pour produire la conviction.

Ézéchiel prêche à son tour la rénovation de la religion, spiritualisée et épurée : « Je vous donnerai, dit Jéhova, un même cœur ; je mettrai en vous un esprit nouveau ; j’ôterai de votre chair le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair (11-19). »

Il désavoue aussi le proverbe : « Les pères ont mangé du raisin vert, et les dents des fils en ont été agacées (18-2) ; » mais cette idée, il la fait sienne par la largeur avec laquelle il la développe

  1. Jérémie, 7-18. etc.