Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 94.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelle, l’Égypte tremble en voyant la destruction de Tyr. » Il semble donc qu’avant de s’attaquer à l’Égypte, Antiochus s’était attaqué à Tyr.

Mais tandis que l’invasion de l’Égypte, sous Antiochus, est établie par l’histoire, l’histoire est muette sur le siège et la prise de Tyr.

Dans cet embarras, on éprouve tout à coup une vive surprise lorsque, en continuant la lecture d’Ézéchiel, on rencontre les versets suivans (29-18) : « Nabuchodonosor, roi de Babylone, a fait faire devant Tyr à son armée un rude service : toutes les têtes sont chauves, toutes les épaules sont pelées. Mais il n’y a pas eu de salaire pour lui ni pour son armée du travail fait devant Tyr. C’est pourquoi voici ce que dit Jéhova : Je vais donner à Nabuchodonosor, roi de Babylone, le pays d’Égypte ; il en enlèvera des hommes, il en emportera du butin ; ce sera le salaire de son année. Pour prix du service qu’il a fait, je lui donne le pays d’Égypte. Ils ont travaillé pour moi, dit le seigneur Jéhova. En ce temps-là je développerai la puissance d’Israël (sans doute par rabaissement même de l’Égypte, qui lui donne plus d’influence dans ce pays). »

Ainsi Ézéchiel se dénient lui-même, et cette ruine de Tyr, qu’Isaïe et lui ont peinte de si vives couleurs, il avoue qu’elle n’a pas eu lieu, et que la ville, si elle a été assiégée, n’a pas été prise, puisque le vainqueur n’y a rien gagné.

Cet insuccès peut expliquer le silence de l’histoire sur ce siège, surtout si on considère combien en général l’histoire de ces temps nous est mal connue, la plupart des livres où elle était racontée étant perdus. Ce qui est plus difficile à expliquer est que les prophètes triomphent ainsi contre Tyr d’une entreprise avortée et nous représentent la ville détruite et son peuple passé au fil de l’épée (Ezéch., XXVI, 10-12). Faut-il croire que, dès que la ville a été seulement menacée, leurs espérances se sont enflammées par les souvenirs du passé ? Le coup qu’avait frappé jadis Alexandre avait été si étonnant, que les imaginations en étaient demeurées pleines. Et depuis Alexandre, Antigone s’était aussi rendu maître de Tyr, en la prenant par la faim au bout d’un siège de quinze mois[1]. Ceux de Juda ont cru qu’Antiochus allait leur faire revoir le même spectacle, et ils s’en sont d’avance enivrés.

Deux versets du second livre des Maccabées (4-44 et 5-2)

  1. Il est bien à remarquer que ce dernier siège, si mémorable, ne nous est pourtant connu que sur le seul témoignage de Diodore (19, 58), et que l’histoire de Diodore nous manque pour le temps d’Antiochus.