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Jérusalem et de rapporter ses paroles au roi Ézéchias ; après quoi Ézéchias les envoie demander au prophète Isaïe, fils d’Amos, de lui assurer les secours de Jéhova, qui en effet détermine le roi d’Assyrie à lever le siège. Cela se passe au VIIIe siècle : Eliacim est qualifié de grand-prètre et Sobna, de sopher ou écrivain. Ici, c’est Sobna qui est grand prêtre, et ce qui est raconté, c’est sa déchéance et sa mort, puis l’avènement d’Eliacim, qui lui succède dans la prêtrise, sans que rien indique la date de cette révolution.

En traduisant par grand-prêtre l’expression du texte : le chef de la maison, c’est-à-dire de la maison de Jéhova, ou du Temple, j’y suis autorisé par saint Jérôme. Il tenait cela du Juif qui était son maître d’hébreu, et la traduction est confirmée par un passage des Chroniques (II, 31-13). On ne peut guère d’ailleurs l’interpréter autrement quand on lit de suite, dans les Rois, les versets 1 et 2 du chapitre XIX : « Ézéchias se couvrit d’un cilice, et vint dans la maison de Jéhova. Et il envoya Eliacim, le premier de la maison, etc. »

Je viens de dire que le récit des Rois n’a aucun rapport avec celui du livre prophétique. Mais qu’est-ce que celui-ci signifie ? Je crois qu’il doit s’expliquer encore par un événement du u° siècle : la chute et la ruine du grand-prêtre Ménélas. Josèphe nous raconte, au chapitre IX du livre XII, que le jeune Antiochus Eupator, fils d’Antiochus l’Épiphane, sous la conduite du général Lysias, faisait, avec des forces considérables, le siège de Jérusalem, qui était près de succomber, malgré la présence de Judas le Maccabée, quand la nouvelle d’une révolte rappela les assiégeans en Syrie et les détermina à traiter avec les habitans. Ils renoncèrent à les contraindre dans leur foi religieuse, mais ils exigèrent la démolition de leurs murailles, et en partant ils emmenèrent le grand-prêtre Ménélas, leur créature et par là haï du peuple, mais à qui ils s’en prenaient à leur tour de n’avoir pu soumettre les assiégés. À peine arrivé en Syrie, Ménélas fut mis à mort et n’eut pas même les honneurs de la sépulture (II Macc, 13-7). Il fut le dernier grand-prêtre de l’illustre race sacerdotale des Onias. Son successeur, Iacim, ou en grec Alcime, n’avait pas cette illustration. C’est évidemment à cette révolution que se rapportent tous les détails de ce chapitre, à la fin duquel on voit Alcime lui-même disparaître et sa famille, élevée un moment avec lui, tomber à son tour. On a vu qu’il mourut de maladie au bout de quatre ans, et fut, comme Ménélas, haï des siens (I Macc.,7-9). Les Syriens laissèrent vacante la dignité de grand-prêtre.

Le nom d’Iacim n’est que l’abrégé de celui d’Éliacim ; c’est là sans doute ce qui a fait penser le prophète à l’Éliacim du livre des