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Nicator, qui mourut une quinzaine d’années après, chassé de son trône par une révolte et assassiné à Tyr, où il avait cherché un refuge. De sorte que le descendant d’Antiochus le Grand n’eut pas même la sépulture d’un roi (14-19). C’est à lui, je n’en doute pas, que s’adressent les magnifiques invectives dont Isaïe salue la ruine de Babylone et la mort misérable de l’ennemi héréditaire.

Je ne m’arrêterai pas aux prophéties qui suivent contre les divers peuples voisins : les Philistins, Moab, Damas (chap. XIV-XVIII). J’ai déjà dit que l’histoire de ces peuples nous est trop peu connue pour que ces chapitres puissent être consultés utilement sur la question qui m’occupe.

Mais les chapitres XVIII-XX sont remplis par une prophétie sur l’Égypte qui doit attirer toute l’attention des critiques. Le prophète annonce que l’Égypte va être désolée à la fois par la guerre civile d’abord, puis par la guerre étrangère. Elle va tomber sous la domination d’un roi Victorieux, qui lui fera durement sentir sa puissance. Quel est ce roi ? C’est Nabuchodonosor, si on en croit les livres qui portent les noms de Jérémie et d’Ézéchiel[1]. Mais outre que, là encore, nous serions loin du temps d’Isaïe, Nabuchodonosor n’a jamais conquis l’Égypte, et non-seulement il échoua en essayant de l’envahir, mais ce furent ses possessions à lui-même qui furent envahies et enlevées par les Égyptiens[2]. Le passage d’Isaïe ne se rapporte donc pas au temps de Nabuchodonosor.

Mais transportons-nous au milieu du IIe siècle, et nous y trouvons l’Égypte, d’abord déchirée et affaiblie par des dissensions intestines sous Ptolémée Épiphane, puis, sous Ptolémée Philométor, envahie par Antiochus l’Épiphane, qui en fut quelque temps le maître, et qui enfin ne lâcha prise que sur l’injonction des Romains. Cela se passait immédiatement avant les violences d’Antiochus contre Israël.

Voilà le fait principal, mais les détails achèvent de nous éclairer. Le prophète nous dit qu’en ce temps-là les Égyptiens apportent des offrandes à Jéhova Sabaoth (18-7). Et plus loin (19-16), après avoir déclaré que c’est Jéhova qui frappe l’Égypte, il ajoute que le nom de Juda est désormais en vénération chez les Égyptiens ; puis il continue : « En ce temps-là il y aura cinq villes dans le pays d’Égypte, qui parleront la langue de Chanaan, et qui jureront par Jéhova Sabaoth ; l’une d’elles sera appelée ville du soleil[3]. » Il

  1. Jérémie, 43, 11 ; Ézéchiel, 29, 19.
  2. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, ch. XII, p. 504.
  3. En grec, Héliopolis. Pour la leçon, Ville du Soleil, voir Gesenius, Lexicon manuale, 1847. p. 338 bis.