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Juda est dévasté et dépeuplé ; mais Jéhova vient au secours de son peuple. Après la détresse, le salut ; après les ténèbres, la lumière (8-22). Elle vient de la Galilée des Nations, d’un pays jusque-là sans gloire, dit le prophète (8-23-), et les commentateurs ne se rendent pas compte non plus de ce passage ; mais il s’explique quand on lit que le jeune Simon, frère de Judas le Maccabée, inaugura, pour ainsi dire, l’affranchissement de son pays par les victoires qu’il remporte eu Galilée au début même de la guerre (Josèphe, Antiq., 12-8-2). Puis le poète nous conduit tout de suite au principat de Simon, sous qui Juda devient libre, et à celui de son fils Hyrcan (chap. IX à XII).

Mes lecteurs ont peut-être oublié Rasin, roi d’Aram, et Phacée, roi d’Israël. Il faut y revenir ; mais qu’ont-ils à faire dans cette prophétie ? Je ne puis le dire avec certitude, parce qu’à cette date du IIe siècle, on connaît trop mal l’histoire des rapports de Juda avec les petits peuples voisins. On sait seulement, en général, qu’ils étaient toujours en querelle ou en guerre les uns avec les autres. Aram, c’est Damas (7-8), et Israël s’appelle autrement, Éphraïm ou Samarie (7-9). On peut donc conjecturer qu’un peu avant l’invasion d’Antiochus, Damas et Samarie venaient de se liguer contre Jérusalem, mais qu’elles tombèrent elles-mêmes immédiatement sous la domination des Syriens, qui les pillèrent (8-4). Et cette conjecture est confirmée par ce que Josèphe nous apprend, à cette date, de la situation difficile et de l’attitude des Samaritains (Antiq., 12-5-3). Si Damas et Samarie sont représentées par les noms antiques de Rasin et de Phacée, comme la Syrie est représentée par celui d’Assur, ce procédé de transposition, comme je l’appellerais volontiers, se présentait naturellement à l’esprit d’écrivains qui, au lieu de parler pour leur propre compte, avaient imaginé de faire parler à leur place les vieux prophètes d’autrefois, soit pour inspirer plus de respect, soit simplement pour être plus libres.

Mais le tableau de Juda libre et florissant mérite que l’on s’y arrête. « Tu fais de ton peuple un grand peuple, tu lui prodigues la joie, une joie comme au jour de la moisson, comme au partage du butin. Car le joug qu’on lui avait donné à porter, et le bâton qui frappait son épaule, sont brisés » (9-1-3). Et plus loin : « Malheur à Assur ! » (10-5). Il s’est flatté en vain de triompher. Ayant subjugué tant de peuples, dont les dieux sont plus grands, à ses yeux, que ceux de Jérusalem, il ne doutait pas que celui-ci ne fût vaincu à son tour. Mais c’est lui qui est vaincu lui-même, et, au moment où il croit déjà tenir sa proie, c’est lui qui est frappé par le Fort (10-32-34).